fresh made-coffee and confessions (w/ marcy)

Aimee avait donné rendez-vous à Marcy Marsden, cible de son ami Tamara, choisissant un prétexte bidon. Le rendez-vous était fixé dans le café du coin, un endroit sobre et chaleureux du centre ville et non le célèbre barrista de Del Rey Oaks. Elle connaissait de vue Marcy depuis quelques années, après qu’elle ait fait un remplacement dans le webjournal où Aimee travaillait. Marcy Marsden était un être curieux d’après Aimee : largement impliqué dans la cause gay, elle ne l’avait pourtant jamais vu en compagnie de quelqu’un. Aimee était arrivée légèrement en avance afin de réserver une table en terrasse. Elle prit place sur l’une d’entre elle légèrement plus en retrait des autres. Si les conversations dérivaient, elle préférait être à l’abri des oreilles curieuses. Elle prévint Tamara par sms de l’arrivée imminente de sa cible et l’incita à ne pas la harceler de message avant qu’elle-même de lui en revoit un. Elle avait la sensation d’être une adolescente. Retour à la case lycée, où une amie allait demander pour vous le numéro d’un ou d’une, pendant que vous rougissiez jusqu’aux orteils. Cette pensée lui arracha un sourire alors qu’elle se permit un instant de fermer les yeux et d’offrir son visage aux rayons du soleil. La température était douce, mais la présence d’un astre radieux réchauffait l’air ambiant. Ce ne fut que lorsqu’une ombre vint lui bloquer l’accès au soleil qu’Aimee daigna rouvrir les yeux. Marcy la toisait, le visage impénétrable, portant une robe printanière. Aimee lui sourit discrètement avant de la saluer, puis de l’inviter à s’asseoir. « Merci d’être venue au fait. » Marcy prenait place face à elle alors qu’Aimee sortait un carnet de note comme pour réaliser une interview. Un serveur vint interrompre ce début de conversation, et la jeune femme commanda un café frappé. Une fois le départ de ce serveur, elle pourrait commencer l’inquisition.

Marcy n’était pas très en avance. Elle n’était pas non plus en retard, cependant. Elle n’était jamais en retard. Tout au plus était-ce la montre des autres qui avançait un peu. Mais là, elle était à l’heure. Du moins, c’était ce dont elle essayait de se persuader alors qu’elle marchait d’un pas énergique dans les rues la menant à son point de rendez-vous. Quelle idée de marcher, faut dire. Dégainer la voiture aurait certes été contreproductif, mais elle n’aurait pas eu l’impression d’exposer ses fesses à chaque pas qu’elle faisait dans cette maudite robe. Et elle n’était visiblement pas tant à l’heure que ça, dut-elle admettre – à contrecoeur – lorsqu’elle aperçut la silhouette d’Aimee attablée à la terrasse du café. Tant pis, la prochaine fois, peut-être. À condition, certes, qu'il y ait une prochaine fois. Elle espérait que oui. Aimee était relativement adorable, et ne parlait pas constamment de la proportion de beurre de karité à incorporer dans la prochaine recette de shampoing en barre à la noix de coco, ce qui était un gros plus. Elle vint se planter en face de sa... camarade ? sans se départir de son sourire, avant de s’asseoir sobrement, les mains posées sur ses genoux resserrés comme une vraie lady. Elle hésita à commander un thé glacé, ouvrit la bouche, et demanda un macchiato à la place, sans trop savoir pourquoi, vue sa relation compliquée avec les choses à base de café. « De rien, c'est un plaisir, » répondit-elle enfin à Aimee avec une aimable retenue. Son regard se posa brièvement sur le carnet que son interlocutrice tenait entre ses mains et elle ne put retenir un haussement de sourcils interrogateur. « Hum, je n’avais pas saisi qu’il s’agissait d’un rendez-vous professionnel...? » tenta-t-elle, incertaine quant à la raison pour laquelle ce carnet venait s’immiscer dans la rencontre.

Aimee ne put s'empêcher de détailler Marcy d'un oeil critique. Ce qu'elle observa ne lui déplaisait pas. Bien qu'on lui accordait un caractère peu avenant à première vue, Elle semblait émettre une certaine chaleur et une politesse aimable. Elle faisait des mouvements gracieux et sans brusquerie et semblait d'un calme rafraichissant. Aimee pouvait comprendre ce qui avait attiré Tamara: l'élégance tout en sobriété, le peps et l'amabilité. Le contraire de ce qu'on pouvait observer dans les quartiers chics, préférant le clinquant et l'exubérance. Son observation fut interrompue par la question de son interlocutrice qui sembla perturbé par le carnet. Pourtant n'avait-elle pas été claire au téléphone ?  Marcy avait peut être vu dans son jeu et n'avait jamais cru au rendez-vous professionnel… « Il me semblait pourtant avoir précisé que c’était pour une interview. » Répondit Aimee d’une voix qui se voulait neutre. « Même si je ne suis pas contre ta compagnie en plus de cette interview. » Dit-elle avec un sourire mystérieux. Elle reposa le carnet  et le laissa sur le bord de la table, le stylo posé dessus. Peu importait l’interview, Aimee devait surtout glaner des informations pour Tamara et tâter le terrain. Elle se demandait encore dans quoi elle s’était embarquée bien consciente qu’elle faisait une piètre entremetteuse.  « Laissons tomber l’interview pour le moment, cela peut attendre. » Le serveur vint leur apporter respectivement le café frappé et le macchiato silencieusement. Aimee attendit son départ pour entamer les hostilités. « Alors, tu bosses dans quoi exactement aujourd’hui ? Il me semble que c’est dans les cosmétiques mais je ne sais plus quelle boîte… » Aborder le job avant des sujets plus personnels était une technique rodée qu’elle avait employé à maintes reprises afin de recueillir des témoignages ou lors d’interview mais elle ne devait pas oublier son but: les informations pour Tamara.

La réponse d'Aimee fit déferler en elle une vague de panique. Aimee avait précisé que c'était pour une interview. Pourquoi ne s'en souvenait-elle pas ? Était-elle devenue négligente au point de ne pas saisir ça ? Quand diable avait-elle cessé d'écouter ce que les gens lui disaient ? Et si elle était en train de perdre la mémoire, comme son oncle John — ou James, ou Jack ? C'était quoi son nom, déjà ? Grand Dieu, elle perdait bel et bien la mémoire. Marcy s'était pointée en mode décontract à un entretien professionnel, en s'imaginant qu'une quasi inconnue voulait discutailler tranquillement avec elle. Elle était à peu près sûre qu'elle n'avait pas volontairement omis la partie « professionnelle » de leur rencontre. Alors quoi ? C'était les effluves d'acide citrique qui lui montaient à la tête ? Marcy tenta de ne pas montrer sa gêne soudaine, s'efforçant de cesser de mordiller sa lèvre avec une férocité soucieuse qu'elle aurait du mal à faire passer pour de la nonchalance. Elle n'avait toujours pas pipé mot lorsqu'Aimee changea finalement de sujet, peut-être consciente du fait que son interlocutrice était en plein conflit interne. Elle ne pouvait que lui être reconnaissante de ne pas avoir fait tout un plat du fait qu'elle avait osé croire pendant l'espace d'un instant que leur relation dépassait le simple domaine du professionnel. Enfin, bon, d'un côté, Aimee venait de lui demander dans quoi elle bossait, ce qui discréditait soudainement la vocation professionnelle pourtant prétendument établie. Voilà qu'elle se remettait à trop cogiter. Il fallait qu'elle arrête, sérieusement. Aimee devait vouloir des info sur la prochaine manifestation pro-gay. Il fallait qu'elle oublie qu'elle avait oublié. C'était pas la fin du monde. C'est pas la fin du monde, Marcy. « Je bosse chez Smoothics, » expliqua-t-elle de sa voix professionnelle normale, comme pour compenser sa bévue. « Ça va faire sept mois. Je suis leur rédactrice web. » Elle marqua une pause polie, refermant ses doigts autour de son breuvage fraichement servi, et poursuivit avec un petit sourire. « Et toi, qui vas-tu démolir cette semaine ? »

Aimée fut étonnée par l’expressivité du visage de son interlocutrice. Les rares fois où elle avait vu ou observé Marcy, cette dernière affichait un visage relativement impassible, avec une expression presque froid sur le visage. Or son minois se mouvait sous la panique qu’Aimee avait instaurée en rappelant son excuse bidon d’interview professionnelle. Elle en fut intérieurement amusée. Aimee n’avait pourtant pas grand-chose d’intimidant quand elle était de bonne humeur et aujourd’hui c’était le cas. De plus elle appréciait Marcy. Son action au sein de la cause gay la touchait, son entêtement pour aider son prochain l’impressionnait et son professionnalisme dans son job était admirable. Aimee voyait à présent en Marcy quelqu’un qu’elle souhaitait vraiment connaître. Et ce désir n’était pas mu par une curiosité malsaine ou par l’idée que cela pourrait lui être serviable. Elle sirota une partie de son café frappée, laissant son interlocutrice reprendre ses esprits, s’appliquant pour ne rien laisser paraître afin de ne pas faire grandir le malaise entre elles. « Tu t’y plais ? Vous faites des boîtes c’est ça ? » Lui demanda-t-elle après qu’elle ait exposé son travail. Elle fut désarçonnée qu’elle lui posa une question de ce type. Elle répondit en riant. « Bonne question ! Je fais encore mes petites recherches. » Un sourire malicieux s’afficha su son visage avant de s’évanouir dans les vingt secondes qui suivirent. Aimee n’était pas nécessairement d’un naturel chaleureux en compagnie de simple connaissance et encore moins quand sa tâche lui paraissait compliquée et qu’elle se sentait mal habile. Elle voulait changer de sujet, maintenant consciente que la discussion professionnelle était un peu tombée à l’eau depuis que Marcy avait légèrement paniquée. Elle choisit alors mentalement un sujet qu’elle savait de manière certaine qu’il les concernait toutes les deux. « Et sinon comment se déroule la lutte pour la cause gay ? Tu es de plus en plus active, j’ai lu ça dans un article de Slave. » Un sourire léger réapparut sur son visage, preuve d’une légère fierté quant au revirement de situation ainsi que signe d’encouragement pour la brunette lui faisant face. Elle but à nouveau une partie de son breuvage, son regard d’ébène scrutant le visage de Marcy en attente d’une réponse.