∻ tough girl whose soul aches

( big girls cry when
their heart is breaking )
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Ce n'était qu'une enfant quand cela arriva. Agée à peine de huit ou neuf ans. Elle était dans la cour de récréation comme tous les autres, entourés d'enfants turbulents et farceurs. Assise aux côtés de Liz, elle regardait au loin sa soeur Camille jouer au chat et à la souris avec d'autres. Camille était son opposée physiquement. Sa peau basanée contrastait avec celle d'opale de Camille. Ses cheveux étaient aussi bouclés que ceux de sa cadette étaient raides. Parfois elle se sentait à part, comme venant d'une autre planète. Il n'y avait qu'à regarder autour d'elle. Aucun d'entre eux ne lui ressemblait, même un peu. Pas un enfant métisse, noir, ou même latino dan sel coin. Seulement Aimee.
Une certaine tristesse s'installa sournoisement en elle pour ne pas la quitter. Cette tristesse, cette déception nourrira dans le futur une certaine conviction, enflammant son engagement auprès des associations protégeant, défendant les droits des personnes dites "de couleur". Mais ça, elle ne le savait pas encore quand elle se leva pour rejoindre sa classe et  que l'altercation qui s'en suivit changea aussi sa vision.
Un sale gamin vint l'empêcher de passer. Plus âgé qu'elle, il la dépassait en taille et la toisait donc d'un regard mauvais, bras croisé sur son torse d'enfant. « Pathels, donne moi ton déjeuner. » La petite fille le dévisagea, étonnée par sa demande. « Pourquoi? » Le morveux répliqua. « Parce que j’ai faim. » « Et moi j’aurais peut être pas faim tout à l’heure ? Je te le donnerai pas. » Aimee voulait rester ferme, c’était à elle que cela appartenait. « Tu sais c’que me dit mon père ? Que tous les noirs devraient repartir d’où ils viennent au lieu de nous voler nos jobs, notre argent, nos aides. » La demoiselle resta alors muette, des larmes venant lui piquer les yeux. Noire elle était et noire elle resterait. La différence ne pouvait pas disparaître, elle était l’étrangère, l’intruse au sein de son pays, de son école, de sa famille.


Elle s’était retrouvée face à de nombreuses critiques, et même du racisme, mais jamais sa sexualité n’avait semblé poser problème. Pourtant, ça aurait pu. Etre adoptée, noire et d’une famille riche et bien pensante aurait pu mener à un conflit. Mais jamais on ne lui avait posé de questions ou blâmer pour refuser de faire un choix. Elle côtoyait donc sans peur des lieux réputés comme homosexuels ou même bisexuels. Beaucoup avaient dit d’Aimee qu’elle cherchait la provocation, souhaitait la polémique. Pour d’autres c’était une passade. Mais Aimee essuyait ce genre de réflexion d’un geste de la main. Peu importait ce qu’on pouvait dire d’elle; elle en avait tellement entendu.
Ce soir là, la soirée se déroulait dans un bar typiquement homosexuel. Un lieu cosy mais festif, relativement hype mais pas inédit. La jeune femme y rejoignait un groupe d’amis pour fêter l’anniversaire de l’une d’entre eux. Elle s'attabla auprès de Tamara qui avait déjà bu deux cocktails et riait plus fort qu'à l'accoutumé. « T'es en forme dis moi ! » Dit Aimee, un sourire amusée plaqué sur son visage. « C'est le moi que l'on puisse dire ! On est là pour faire la fête non?! » répliqua-t-elle en brandissant son verre. Aimee rit avec Tamara tout en brandissant un verre qui n'était pas le sien afin de trinquer. Aimee suivit ses amis, enchaînant quelques verres avant d'aller danser avec eux. Ils étaient enflammés, légèrement ivres, et semblaient invincibles. Ils émanaient d'eux le dynamisme et l'espoir de la jeunesse. Ils étaient enivrants. Pourtant, dans la salle à moitié pleine, certaines âmes semblaient en peine. Quand Tamara et Aimee quittèrent la piste pour aller se commander un autre verre, Tamara approcha son visage de l'oreille d'Aimee pour lui faire une confidence. « Tu vois la brunette là bas... ? » Aimee chercha la jeune femme en question qu'elle détecta sans mal. « Ouais et..? » « Je l'ai repéré depuis deux semaines, elle m'obsède et j'ai décidé de tenter ma chance... » « T'as le cul bordé de nouilles Tam, parce que je la connais un peu. » C'est comme ça qu'Aimee, à cause de son incapacité à se taire, se réveilla le lendemain ayant pour rôle l'entremetteuse. Rôle dont elle se serait volontiers affranchi mais trop tard, Tamara avait enregistré l'information et comptait bien lui mettre la pression comme le prouvait le premier texto qu'elle reçut.