★ bang bang into the room.

★ BRAČ ISLAND, CROATIA, AUGUST 2010.
Un sourire plane sur ton délicat minois. Tes yeux, eux, alternent entre la beauté des plages de la Croatie et la beauté du charmant jeune homme qui partage ton lit. A la base, vous deviez partager une chambre pour réduire les coûts du trajet. A la base, vous deviez voyager à travers l’Europe et profiter de chaque instant passé dans chaque destination. A la place, vous avez fini par réduire le temps passé à l’extérieur et à faire de sacrés économies quant à l’utilisation de votre chambre. Sauf pour celui-là. Un hôtel quatre étoiles que ton bellâtre a finalement réservé pour les derniers jours de votre séjour. Parce qu’après le temps de l’insouciance, tu te demandes ce qui vous attendra. Enfin, pour toi, c’est plus ou moins clair. Un retour aux sources, à la normale, toi à l'université, étudiant l’histoire de l’art, lui débutant son nouveau travail, et les autres, continuant à ignorer la situation. Quelle situation, penses-tu intérieurement, satisfaite. Si Materlli et Vescovi découvraient l’ampleur de vos dégâts respectifs, à savoir une relation charnelle, sans limite, passionnelle,  dévorante et ce, malgré vos huit ans d’écart, nul doute que tu attirerais les foudres des deux familles. Non, pas toi en fait. Alex, en revanche, oui. Alors, tu ne diras rien à ton retour. Tu prétendras avoir passé un merveilleux voyage, avoir amélioré ton croate, t’être instruite en visitant de nombreux monuments. Mais pour le moment, ton esprit n’a pas envie de penser à ces éléments ô combien superflus. « On devrait peut être faire un tour dans la vieille ville pour se donner bonne conscience, non ? » Alex laisse échapper un rire et machinalement, toi aussi. « On pourrait, oui. » Une pause. « Ou on pourrait… » Son regard équivoque te fait de nouveau sourire. Effectivement, vous pourriez encore recommencer. Tu ne te lasses pas de ses baisers, de ses caresses, de sa chaleur, de son corps et finalement, tout ça vaut bien plus qu’explorer les bâtiments historiques de la Croatie. Comme pour donner ton accord, tes lèvres rencontrent les siennes dans un baiser chaste, baiser qui s’intensifie à mesure que vous avancez. « Alex… », tu échappes entre deux baisers tandis que ton amant ne te laisse même pas le temps de reprendre tes esprits, comme d’habitude. Jusqu’à ce que ton téléphone ne te ramène brutalement sur terre. Machinalement, tu repousses Alex et reprends ta respiration. Ta main attrape l’objet posé sur la table de nuit et tu échappes un léger soupir lorsque tu vois apparaître la photo de ta mère sur l’écran. « Maman, quelle surprise ! », tu fais semblant de t’exclamer. « Oui…Oui ça va. On visite les ruines du…Monastère de Blaca. » Une pause, tu laisses ta mère parler. « Alex est en train de prendre des photos…Oui, on vous montrera tout ça en rentrant. » Tu regardes Alex du coin de l’œil et te mords la lèvre pour te retenir de rire. Bon avant de partir, tu te dis que ça serait quand même bien que vous fassiez un petit tour histoire de remplir les appareils photos.

★ MARTELLI'S VILLA, BELMONT SPRING, AUGUST 2014.
Tu suffoques. L’endroit est plat, l’endroit est étouffant. Encore plus étouffant que ce que tu imaginais et ce, malgré tes nombreuses visites. La nuit d’un été sans fin règne en maître, dans ces hauteurs. Tu n’as pas besoin de couvrir tes épaules nues, ni de te réfugier à l’intérieur. Pendant que ton regard observe la masse joyeuse dont tu ne fais guère partie, tu es adossée contre un mur. Enfin, contre la paroi d’un abri de jardin. Devant toi se dresse l’immensité d’une colline sertie de vignobles, une vision sortie du paradis. Alors que beaucoup laisseraient échapper un cri de surprise face à tant de beauté, tu ne pipes mot. Pourquoi parler, songes-tu. Tu ne parles jamais. Tu ne parles jamais de ton ressenti, de tes émotions. Si tu laissais les mots acerbes sortir de ta délicate bouche, nul doute que la soirée serait ruinée et que bon nombre se poseraient des questions sur les motivations d’une telle intervention. Les motivations, tu as longtemps eu du mal à les accepter. Mais elles sont là maintenant, elles t’apparaissent chaque jour de plus en plus limpides. Ce sentiment qui te grignote dès que ton regard noisette se pose sur cet homme que tu ne connais plus ne quitte point ton corps. Alex sourit. Alex rit. Son bonheur t’arrache un sourire, sourire qui disparaît dès qu’une silhouette blonde s’empare de sa main. Cette main qui, des années plus  tôt, t’avaient fait succombé aux plaisirs de la chair au point d’y revenir encore et encore. Tout ce que la désormais fiancée d’Alex, possède, tu l’avais possédé toi aussi, le temps d’un été brûlant. Ses longs cheveux blonds rayonnent à travers la pièce éclairée, t’éblouissant au passage. Elle est belle, cela ne fait aucun doute. Plus belle que toi. Plus riche que toi. Meilleure que toi. Et elle continuera, son tendre et futur époux à ses côtés. Que va-t-il te rester, dès qu’elle deviendra une Martelli ? Rien. Enfin si. L’imagination. Le désir lointain. A cette pensée, ta tête se pose docilement à son tour contre la paroi de la bâtisse. « C’est l’éclate Giu, hein ? » Cette voix masculine, tu la reconnais. Immédiatement, ton frère cadet Battista te rejoint. Il a une cigarette qu’il fait rouler entre ses doigts et il l’allume, devant toi. Devant toi, il prend une bouffée, expire et recommence. A son attitude, tu sens que quelque chose cloche. Que lui aussi, quelque chose le gonfle. « Ouais, super soirée. Et toi ? » « Super soirée aussi. » Ironie à son paroxysme. Battista prend place à tes côtés et te tend la cigarette que tu  ne refuses point. Bientôt, c’est toi qui laisse expulser ton mal être. Ton frère ne te regarde même pas, toi non plus. Vous restez murés dans un silence de plomb. Au fond, qu’est-ce que ça peut bien lui faire, tout ça. Lui comme tous les autres. Giulia Vescovi est en train de tomber amoureuse d’Alex Martelli, qu’est-ce que ça peut bien lui faire.  Lui comme tous les autres.