you were a moment in life that comes and goes /nicholas

Contrairement à tous les ploucs qui composaient la société d'aujourd'hui et qui se rendaient à la salle de sport pour faire un minimum d'effort et ne pas se sentir coupable d'avoir avalé un double cheeseburger la veille, Bobbi, elle, avait son coach privé et préférait s'entraîner dans son jardin ou même dans le parc. Elle avait la chance d'habiter en Californie maintenant, elle avait adopté l'état et la météo qui allait avec. A New York, à part l'été, il était impossible de se trimballer en legging et en tee-shirt dehors (même si à l'époque, sa remise en forme n'était pas prioritaire). La Grosse Pomme lui manquait et c'était régulièrement qu'elle s'y rendait, notamment pour la fashion week (la seule à laquelle elle assistait depuis la naissance de James) mais Belmont Springs était sa ville d'adoption et autant profiter de tous les avantages. L'hiver ici ressemblait à l'été indien de New York et c'est quelque chose qu'elle appréciait énormément malgré son teint pale qu'elle souhaitait préserver à tout prix. Après tout, la Californie était remplie de blondasse en plastique oranges et c'était connu que Bobbi aimait se démarquer des autres. C'est donc de sa séance quotidienne avec Carl (son coach) que Bobbi venait de rentrer. Après chaque entraînement, elle rentrait directement chez elle pour prendre une douche et se changer — non pas qu'elle n'aimait pas sa tenue de sport, elle pourrait styler n'importe quelle tenue hideuse pour en faire une oeuvre d'art, mais disons qu'elle se sentait beaucoup mieux dans des tenues plus urbaines, plus "normales". Et la douche, c'était indispensable après un effort. En sortant de la douche, elle se fit chauffer une tasse de café et alla faire un tour dans la chambre de James pour vérifier que tout était bien en ordre et que rien ne manquait: bonne initiative, puisqu'elle se rendit compte qu'elle était en rupture de couches et que les quelques unes qu'elle avait n'allaient pas tenir la journée entière. Elle était censée récupérer James chez Roos dans deux heures, elle avait donc le temps de passer au magasin pour en acheter puisque sa gouvernante était de repos aujourd'hui. Elle préférait généralement utiliser sa voiture pour n'importe quel déplacement, mais sa séance de sport l'avait boostée et elle décida de s'y rendre à pied (ce n'était pas si loin). Mais après quelques minutes de marche, à quelques mètres de sa maison, son regard se posa sur une silhouette qu'elle n'avait plus vue depuis un moment: Nicholas Jordans. Eh merde. Malheureusement pour elle, il semblait déterminé à venir lui parler, ce qui la laissait penser qu'il était là pour la voir et non pas qu'il passait dans le quartier. Et il n'y avait qu'une seule raison évidente qui pourrait le pousser à reprendre contact avec elle. Puisqu'elle ne pouvait pas l'éviter, Bobbi inspira profondément, passa une mèche de cheveux derrière son oreille, et avança vers lui la tête haute. J'ai pas le temps pour ce que tu as à me dire donc pour la soirée raclette, ce sera une autre fois. souffla-t-elle en passant à côté de lui, le frôlant de justesse. Connaissant Nicholas, il n'allait pas lâcher l'affaire aussi facilement, alors elle accéléra le pas: s'il voulait lui parler, il allait devoir tenir la cadence.

Nicholas Jordans avait disparu de sa vie, du jour ou lendemain. Ou plus exactement, elle avait disparu de la sienne. Elle avait coupé contact, elle s'était éloignée, elle avait fait la morte. Mais si elle avait agi autrement, si elle avait encore eu besoin de lui après toute cette histoire, se serait-il montré présent ou bien lui aussi ne voulait plus la voir? Tant de questions qui restaient sans réponses et qu'elle avait oubliées au fil du temps. Elle lui en avait voulu, énormément. Elle avait vu la haine dans le regard d'Everett, pas seulement quand il s'en était pris physiquement à Nicholas, mais aussi quand elle avait croisé son regard le jour du procès. Ce n'était pas son amant, qu'il détestait. C'était elle. Lui qui l'avait tant chérie à une époque était dégoûté à la simple vision de son ex-fiancée. Et pourtant, malgré cette haine sans nom qu'il ressentait à son égard, Bobbi continuait de l'aimer et avait essayé de le protéger jusqu'au bout pour que les conséquences de son excès de rage soient minimes. Nicholas ne l'avait pas écoutée, avait ignoré ses supplications, et avait décidé de porter plainte. Soi-disant que c'était la meilleure chose à faire, autant pour lui que pour elle. Que s'il était aussi violent avec quelqu'un, il pourrait l'être avec elle. Que c'était un homme dangereux. Bobbi n'y croyait pas une seule seconde. Elle avait aimé Nicholas et elle pensait qu'il l'avait aimée aussi, mais il était avant tout un homme qui avait une grande fierté, et toute cette histoire n'avait été qu'un concours de kékettes dont Everett payait encore les frais aujourd'hui — il avait beau être sorti de prison, Bobbi se doutait que les Bushwick ne devaient pas le féliciter tous les jours. Alors Bobbi en avait voulu à Nicholas, déversant toute la colère qu'elle ressentait contre elle-même, contre son amant. C'était tellement plus facile de mettre la faute sur quelqu'un d'autre que soi, alors qu'on était le seul coupable. Elle ne pensait pas le revoir un jour. Elle ne l'avait pas revu depuis cette histoire, depuis plus d'un an. Alors elle pensait pouvoir raconter n'importe quoi sur lui, en étant à l'abri de son mensonge. C'était une grave erreur, et voir Nicholas en ce jour ensoleillé lui faisait comprendre que la confrontation était obligatoire. Elle ne pourrait pas s'en défaire facilement, avec aise, comme elle savait si bien le faire. Non seulement le jeu se retournait contre elle, mais en plus de ça il s'agissait de Nicholas. Elle l'avait aimé, elle ne pouvait pas l'ignorer. Il était très rare qu'elle donne son coeur à quelqu'un, alors quand c'était le cas, ça lui collait à la peau jusqu'à la fin. La main de Nicholas se referma sur son poignet, la forçant à s'arrêter. Elle réprima une grimace de douleur, refusant de lui montrer qu'il était plus fort qu'elle (aussi physiquement que psychologiquement, du moins dans cette bataille). Elle finit par se retourner vers lui non sans avoir pris une inspiration discrète pour se donner le courage d'affronter la suite, la tête haute. Ah oui? Bah vas-y, parle, je t'écoute. Têtue comme une mule et d'une mauvaise foi inimaginable, il était absolument hors de question que Bobbi s'avoue vaincue dès le premier échange. Alors elle allait jouer l'idiote, sa meilleure tactique pour l'instant.