wake up (ozis)

t'as pas envie d'être ici, pas envie de poser les pieds sur ce foutu gazon sans aucune imperfection. tout est trop lisse, trop parfait. et toi tu fais tache ici, tu fais tache dans ces allées où les maisons sont énormes. les gens te regardent de travers. parce que t'es pas comme eux. t'es pas un foutu bourge non, toi tu viens d'en bas, t'es qu'un foutu pauvre. un gars qui n'a jamais rien eut de bien dans sa vie, un gars qui ne possède rien. tes poings sont serrés dans les poches de ton jean usé, t'as qu'une envie c'est de faire demi-tour, de partir en courant. ou alors d'hurler sur la première personne qui passe, d'hurler que c'est pas de ta faute si t'as pas de thune, que c'est pas ta faute si t'es pas parfait. comme eux, des parfaits abrutis ouais. et pourtant t'es là, à marcher trop vite. la capuche de ton pull est rabattue sur ta tête, t'as pas envie de faire d'effort avec ces gens là, t'as pas envie de faire semblant, de sourire, de dire bonjour et tout ça. t'as juste envie de leur gerber dessus. toi tu crèves la dalle, et eux tu les vois qui se pavane avec leurs fringues trop chères.
t'auras jamais dû accepter ce foutu job. mais il te faut de l'argent, sinon tu pourras plus payer les factures de la maison, et t'as pas envie de te retrouver à la rue. t'as surtout pas envie de décevoir ton paternel, parce que la maison c'est la sienne. et c'est la seule chose qu'il possède avec son foutu garage. t'aimerais avoir assez d'argent pour lui offrir un local plus grand, t'aimerait arrêter de te tracasser sur comment tu vas terminer la fin de ta semaine, tu voudrais arrêter de compter ton argent, centimes par centimes, pour savoir comment tu vas payer tes prochaines courses. mais t'es qu'un putain de bon à rien, pas même foutu de trouver un vrai boulot. alors tu vas chez les riches, tu t'occupes de leur piscine et aussi de leur voiture parfois. lorsque t'arrives devant le portail, tu t'arrêtes un instant. tu regardes, tu respires. tu tentes de rester calme, de te contrôler. parce que toute cette richesse te donne envie de vomir. puis tu avances, rapidement. tu contournes l'énorme maison. tu sais même pas pourquoi ce type a une maison pareille, il habite tout seul. t'es sûr qu'il ne se sert même pas de la plupart des pièces. au début tu travaillais pour son père, mais maintenant t'es le larbin du fils, le larbin d'Ozis. le seul point positif c'est que t'es payé à rien faire. la piscine est presque toujours propre, et les voitures sont parfaitement entretenues. t'aimes bien aller dans son garage, t'aime bien effleurer les carrosseries brillantes du bout des doigts. et puis tu rêves de te mettre derrière le volant, de conduire jusqu'à un endroit sans personne et de foutre le feu à tout ça. tu l'as déjà fait. tu sais voler des voitures. mais celles d'Ozis t'as jamais osé. parce que forcément, c'est toi qu'il soupçonnerait en premier. alors tu te contentes de t'asseoir au bord de la piscine, là sur le sol. pendant un instant tu regardes l'eau, puis le jardin qui s'étend derrière la maison, ou plutôt le château. en vrai, tu sais pas trop pourquoi t'es là, tu ne te souviens même plus si tu devais venir aujourd'hui, demain ou la semaine prochaine. tu sors ton précieux paquet de cigarettes, t'en glisses une entre tes lèvres puis tu l'allumes. douce sensation, la nicotine te sert à rester zen c'est aussi un bon coupe faim, mais surtout une mauvaise habitude que tu as prise depuis trop longtemps.

Le soleil tape tellement fort que même avec les fenêtres ouvertes et ma chemise ouverte, j'ai l'impression d'être en enfer. L'enfer avec l'océan et des palmiers. J'fous mes lunettes de soleil et j'descends les escaliers de marbre et j'me retrouve dans le salon. Sur le canapé, ma mère avale sont troisième martini de la journée. J'avance jusqu'à la cuisine, ma tête me fait mal. J'sais même plus exactement ce que j'ai fait hier soir, j'me souviens d'une fête, de l'alcool, beaucoup de joints et puis j'me suis dans les toilettes de ma maison. Putain j'suis sûr que quelqu'un a foutu du ghb dans mon verre, parce que là je n'ai vraiment plus aucun souvenir. Mais bon, ça ne devait pas être si horrible que ça, vu que j'suis rentré chez moi en un seul morceau. J'me retourne et dans le jardin, j'vois Wes assis près de la piscine. Il a encore ce regarde qui lui donne l'air d'avoir envie de tuer tout le monde, ou de vomir je ne sais pas trop. Vraiment, je ne l'ai jamais vu sourire ce con, il fait toujours la gueule, comme si même le fait de respirer le foutait en rogne. J'fais passer le goût de vomi dans ma bouche avec de l'eau avec de choper deux bières dans le frigo. J'bois une gorgée avant de sortir de la maison. Ok. Ce n'était pas la meilleure idée que j'ai eu, la soudaine envie de vomir qui me prend m'oblige à m'arrêter quelques instants pour pas recracher le peu qu'il me reste dans le ventre partout sur le sol.
J'allume une cigarette le sol brule mes pieds à chaque pas que je fais. Putain il fait toujours chaud ici. J'me retrouve en face de Wes. Wes, Wes, Wes, petite boule de rage. Mes yeux passent un peu partout sur son visage : ses yeux, son nez, sa bouche et mon coeur bat un petit peu plus vite. « Bon, j'te paye pour que tu te branles ou que tu travailles ?» en même temps il a un peu rien à foutre, la piscine est propre, y'a juste une ou deux feuilles qui flottent à la surface. J'peux peut-être lui demander de tondre la pelouse au passage, juste pour pouvoir le voir un peu plus longtemps. J'lui tends une bière et je me pose à côté de lui, les jambes dans l'eau et mes coudes contre le sol. J'souffle de la fumée dans l'air avant d'éteindre ma clope sur le bord de la piscine. « Si t'as la dalle, y'a des restes de mcdo dans la cuisine. » je lui lance un sourire suffisant en prenant une autre gorgée de bière.

en partant de chez toi t'avais froid. et puis maintenant t'a chaud, le soleil te tape sur la tronche. même ici le temps est mieux. t'as vite retiré ta veste, tu l'as laissé là, à côté de toi sur le sol. tu fumes, tu t'arraches les poumons, petit à petit. tu vas certainement crever d'un foutu cancer. mais peu importe, c'est pas ça qui te tracasse en ce moment. la cendre tombe dans l'eau de la piscine, la si belle piscine, beaucoup trop grande, comme la maison, comme tout ce qui est ici, dans ce foutu quartier.
t'entends pas le corps qui s'avance derrière toi, t'entend pas Ozis qui se rapproche. et puis y'a sa voix, cette voix qui te réveille. et ça fait boum dans ton coeur, comme une putain d'explosion. tu lèves les yeux. il est là, debout à côté de toi. tu fronces les sourcils, il est sérieux là ? tu tires une dernière fois sur ta cigarette, avant de la jeter dans l'eau. c'est ton père qui me paye, pas toi. tu prends la bière qu'il te tend, juste histoire de faire le gentil, juste pour faire le mec poli. parce que là, t'as qu'une envie c'est de t'éloigner, le plus loin possible. il s'assoit à côté de toi tandis que tu prends une gorgée. le liquide frais coule dans ta gorge, ça fait du bien, t'aimerai que sa éteigne le volcan en toi, mais ça n'en fais rien. puis tu le regardes, parce que tu peux pas t'en empêcher. tu scrutes son visage, il a une mauvaise mine. surement qu'il a passé sa nuit à faire des excès, surement qu'il y a une meuf qui dort dans son lit. merci, mais j'ai déjà mangé. tu mens. en vrai ton estomac est vide, il crie même famine. mais t'es trop fier pour aller te servir, t'es trop fier pour laisser éclater ta carapace. alors tu te protèges. tu reprends une gorgée de bière. il t'énerve avec son sourire collé sur sa gueule de con, il t'énerve à être là, aussi proche. pourtant tu sers les dents. tu pourrais partir, mais tu dois être aussi con que lui, parce que t'es incapable de te lever, ni de faire quoi que ce soit d'autre. t'as vraiment une sale tête, pire que d'habitude. tu te sens obligé de parler, pour pas laisser un blanc entre vous. puis tu détaches ton regard de lui, et tu te concentres sur une feuille qui flotte sur l'eau.

On se regarde dans les yeux pendant quelques instants puis on tourne la tête presque en même temps. « Nan mais vraiment, je sais que t'as pas beaucoup d'argent et que c'est dur de bouffer, tu peux te servir. » En y repensant c'est super méchant de lui avoir dit ça, même avec mes standards. Mais bon, j'aime bien le voir s'énerver dans son coin, comme si il allait faire quelque chose. C'est ça la magie d'être riche. J'peux lui dire ce que je veux et il ne peut rien faire. Parce qu'il sait qu'il se fera virer et il sait qu'il a besoin de l'argent, ce con. J'avale deux autres gorgées de bière avant d'allumer une nouvelle clope. Putain je fume trop, j'vais me taper un cancer dans quelques années je le sens, mais de toute façon qui veut vivre jusqu'à 90 ans ? « Ouais je sais, mais t'es pas mieux tu sais on dirait que tu t'es pas lavé depuis des semaines » Encore une fois, il ne peut rien dire. J'enlève mes lunettes de soleil et ma chemise pour profiter du soleil, avant de m'allonger contre le sol.

J'reprends un peu de bière entre deux taffes de ma clope. Le gout n'est pas génial mais bon, si on fumait pour le gout ça se saurait. Mais j'aime bien le sentiment, être à côté de Wes avec de l'alcool et une clope. Ça me donne des idées, des rêves qui ne se réaliseront jamais. Peut-être qu'il est gentil Wes, quand on le connait vraiment, mais je ne sais pas, ce n'est pas le genre de personnes avec qui je traine. Puis c'est un mec, ça ne pourrait jamais passer ici. J'bois encore un peu de bière et je jette ma clope dans l'eau. Ça lui donnera du travail à ce putain de flemmard. J'pense ma tête vers lui, il fixe toujours la piscine comme si elle avait insulté sa mère. « En fait, t'habites où ? Enfin je sais que tu vis avec les pauvres, mais où exactement ? » C'est méchant, je sais que ça lui fait mal de répondre, je sens qu'il va me sortir un mensonge ou changer le sujet de la conversation, mais j'aime bien lui faire ça. J'me rapproche de lui en le gardant à distance. Ca a toujours été comme ça, depuis qu'il bosse pour moi, ou pour mon père, comme il préfère le dire. Il vient, on se parle un peu, on s'envoie chier et il se casse et j'aimerais qu'il reste plus longtemps mais j'lui dis pas et j'me tape un meuf dans un bar en pensant à lui.

il t'assassine avec sa phrase, avec ces mots. putain, sérieusement. tu le regardes. t'as envie de l'étrangler, de le noyer dans sa foutue piscine. tu restes muet, parce que t'as même pas envie de lui répondre de toute façon. tu serres la mâchoire encore une fois, tu serres tes poings aussi. ce mec n'a aucun respect, pour personne. c'est un truc que tu ne supportes pas. il est tellement habitué à vivre dans son château, et à traiter tout l'monde comme de la merde, qu'il en oublie que lui même, n'est pas mieux que toi. parce que sans papa et maman derrière lui, pour remplir son compte en banque, il n'existerait plus. et sans argent, t'es certain qu'il ne serait même pas capable de se débrouiller tout seul dans la rue. il te critique, sous entend que t'as pas pris de douche depuis un moment. tu prends une gorgée de bière, termines la bouteille que tu laisses tomber un peu plus loin. tu te mords la langue, tu sens le goût du sang dans ta bouche. soit docile wes, ne lui répond pas, ne dis rien, calme toi.
le voilà qui revient à la charge, il te demande où t'habite. comme s'il s'intéressait vraiment à toi. t'as la haine contre lui, vraiment. va t'faire foutre. tu siffles entre tes lèvres, comme un serpent prêt à attaquer. sans prévenir, tu récupères ta veste, et tu te lèves. t'en a rien à foutre de perdre ton job, t'en a plus rien à foutre de venir ici. tant pis si tu manques d'argent, t'iras voler une ou deux voitures que tu revendras. t'es bon pour ça en plus et puis tu connais les bonnes personnes. tu t'allumes une clope, encore, et tu traces à travers le jardin, jusqu'à la sortie. tu veux respirer, retrouver ta maison, retrouver ton univers qui s'effondre sous tes pieds.

Il est énervé, je le sens. Sa mâchoire est tendue et son regard déborde de violence. En même temps j'dis la vérité, il n'a pas d'argent et il a besoin de ce job. Puis quand il est là au moins j'sais qu'il ne se retrouve pas dans des histoires un peu louches. Je ne peux même pas savoir pourquoi je m'attache tellement à lui, pourquoi j'ai pas envie de le voir partir à la fin de la journée. C'est juste un employé comme les autres. J'fini ma bière un peu trop vite et j'ai envie de vomir maintenant. Wes me dit d'aller me faire foutre et se lève. Putain j'ai fait une connerie là. J'me demande si il va vraiment le faire, tout envoyer branler sur un coup de tête juste pour une insulte de trop. Bah on dirait que ouais, vu qu'il ne s'arrête pas.
J'me relève d'un coup, un peu-trop vite même, ça fait tourner mon ventre ce n'est pas super. J'cours vers lui comme un désespéré avant d'attraper son poignet pour l'obliger à se retourner. « Wes, restes s'il te plait... » Ouais, un putain de désespéré de merde. J'lâche son poignet pour pas que ça ne devienne bizarre et j'pose ma main sur mon épaule. Bon c'est pas mieux, mais voilà. « C'était méchant, j'suis un connard. » Ouais Oz, t'es un connard qui ferait mieux de fermer sa putain de grande gueule par moment et wes c'est juste un employé qui veut faire son travail. Juste un employé. « Mais restes, t'es même pas obligé de travailler, mes parents s'en rendront même pas compte. » j'le lâche complètement et je fixe ses yeux énervés pour essayer de savoir à quoi il pense. « On peut prendre une de mes voitures et faire un tour si tu veux ? »

tu l'entends derrière toi, tu l'entends quand il te rattrape, qu'il te prend le poignet. tu te retrouves face à lui, la colère gronde dans ta tête, dans tes yeux. il te supplie de rester. ton coeur rate un battement, qu'il est beau avec son air de chien battu, putain. sa main sur ton épaule, il s'excuse, blabla. t'es trop fier pour lâcher le morceau comme ça, t'es trop con pour faire te laisser caresser dans le sens du poil. des supplications encore. toi tu fulmines, tes poings sont serrés. il t'énerve, si tu t'écoutais, tu lui aurais déjà sauté à la gorge. et pourtant t'es là, comme un débile, à ne pas savoir comment réagir.
tu recules pour rompre son contact. comme un chien sauvage, t'as envie de grogner. j'ai pas besoin de ta pitié. j'ai pas besoin de toi, j'men fou de travailler ou pas. c'est vrai, tu trouveras un autre moyen de gagner de l'argent, c'est pas un souci pour toi. puis il te parle de voiture, comme si ça allait changer quelque chose. il te prend pour un gosse ou quoi ? tu gerbes sur ses voitures, tu lui gerbes dessus tout court. tu fronces les sourcils, tu recules. t'es pas un putain de gosse qui vient de faire un caprice, et qu'on emmène faire un tour de manège pour le consoler.non, j'vais rentrer. tu pourrais faire un effort. tu pourrais t'adoucir, faire semblant que rien ne cloche. mais là t'y arrive pas, t'as pas envie de faire semblant avec lui. au contraire, t'as envie de le tester, de voir jusqu'où il est prêt à aller. tu le fixes, droit dans les yeux. tu le tentes, t'as envie de le connaitre un peu, p'être qu'il y a autre chose que ses airs de connards irresponsable, p'être qu'en grattant un peu, tu vas découvrir autre chose. t'as envie de le connaitre et pas envie en même temps. comment t'es compliqué parfois, t'aurais presque envie de te tirer une balle.

Wes n'aide pas du tout là. Il dit qu'il n'a pas besoin de ma pitié et qu'il n'a pas besoin de moi et je me sens important pendant une demi-seconde. De toute façon il peut partir, je sais qu'il reviendra à un moment, c'est toujours comme ça avec les gens comme lui. Dès qu'il y a de l'argent à gagner, ils sont là. Il peut se caser, j'en ai rien à foutre j'peux retrouver un autre laveur en deux minutes, les clochards comme lui prendraient n'importe quel job tant que ça rapporte de l'argent pour nourrir leurs familles d'alcoolique de merde. Enfin j'essaye de me convainque de ça, mais ça me fait quand même un peu mal de le voir partir, au fond. J'peux être con par moment, mais il est pire quand il s'y met à essayer de faire le dur tout le temps. Maintenant il veut se casser, bah qu'il se casse. « Ok, vas-y. Bonne chance pour te trouver une autre piscine à laver. » Et voilà, j'me retourne et maintenant c'est moi qui me casse, pas lui. Il peut aller se faire foutre, lui et sa tête de con parfaite.
Enfin non, ce n'est pas fini, j'peux pas le laisser partir comme ça, j'ai pas envie. J'me retourne vers lui et il est dos à moi. J'pense à mon geste pendant quelques secondes, est-ce que ça vaut le coup, est-ce que je peux ? C'est con comme question, bien sûr que j'peux, il ne travaille plus pour moi maintenant. Mon poing se serre et s'éclate sur son visage. Je ne sais pas si je lui ai fait mal, mais ma main, elle, a mal. Putain sa tête est en métal ou quoi ? « bordel... » Je secoue ma main pour faire passer la douleur. Maintenant. Maintenant je sais pourquoi ça avait l'air d'une mauvaise idée dans ma tête. Ouais, je ne sais pas me battre. Combien de fois j'me suis retrouvé avec la tête en sang pour avoir pensé pouvoir tenir tête à une putain d'armoire à glace dans un bar. « Wes, vas te faire enculer putain. Vas crever bordel. » j'me rends même plus compte de ce que je dis, j'ai juste envie de lui exploser la face, ou de l'embrasser, je ne sais pas trop c'est trouble dans ma tête.

il capitule, il abandonne, déjà. t'es surpris, tu pensais qu'il allait être un peu plus tenace. mais tant mieux d'un côté. tu le regardes qui te tourne le dos, qui s'éloigne. t'affiches ton petit sourire en coin, celui qui te fait encore plus une tête de con, celui qui énerve. t'es pas arrogant non, juste un peu fier. t'es prêt à partir toi aussi, t'es prêt à te retourner, à foutre le camp. mais t'en as pas le temps. parce qu'Ozis revient à la charge. t'as pas le temps de réagir lorsqu'il t'envoie son poing dans la tronche. t'as pas l'temps de répliquer, pas sur le moment. il t'as pris par surprise ce con. tu vacilles, mais t'arrives à garder ton équilibre. tu portes ta main sur ta mâchoire meurtrie. puis tu regardes Oz qui se plaint. monsieur s'est fait mal au poing. Ça veut jouer au dur, mais ce n'est qu'une putain de façade.
il t'insulte encore, te dit d'aller te faire foutre. tu comprends pas trop, il a dix ans ou quoi ? puis tu t'approches, doucement, sauvagement. t'atrappe le col de sa si jolie chemise entre tes doigts, tu le pousses un peu. retouche moi et t'es mort. tu vas pas le laisser gagner comme ça. alors tu laisses la violence faire sa loi, tu laisses la colère envahir ton corps. tu fais juste un pas en arrière pour prendre un peu d'élan et de ta main libre, tu lui assènes un coup de poing, droit sur le nez. toi t'as l'habitude de te battre, c'est presque comme un sport là d'où tu viens. puis t'as des cicatrices qui en témoignent, des cicatrices sur le torse, sur les bras, et quelques petites sur le visage. tu lâche Ozis, le poussant au passage. tu regardes le sang qui coule sur son visage, tu regardes sa chemise qui se teint de rouge. t'es fier de toi, fier de ton œuvre. tu recules de quelques pas, masse encore une fois ta machoîre. puis tu t'allumes une clope, sans même te méfier de l'autre qui va courir dans les jupes de sa mère pour qu'elle appelle un médecin, à fin de réparer son nez brisé.

Je ne sais pas si je sens trop mon nez ou plus du tout, en tout cas c'est plus qu'un tas de morceaux d'os. J'penche ma tête en arrière et je tourne sur moi-même pour faire partir la douleur, fait ça ne fait rien. J'tape le sol avec mon pied et j'balance des insultes dans le vent. Il m'a pris par surprise ce con. J'aurai dû m'en douter en même temps, c'est comme ça tout le temps, j'me dis que les gens vont abandonner au bout d'un coup et je me fais enculer. Bah maintenant j'reste à l'affut parce que Wes pourrait bien me foutre un autre coup avant de se calmer. Peut-être que c'est ça qu'il aime, foutre la merde et balancer sa sur le dos des autres. J'me souviens quand je l'ai vu pour la première fois quand il a réparé ma voiture, déjà là il avait l'air de vouloir me tuer, si il n'a pas envie de faire ça comme boulot il peut très bien se casser à l'autre bout des états unis. M'enfin je ne sais pas trop à quoi il pensait, j'avais passé toute la réparation à fixer son cul. Mon nez commence à faire moins mal à force de le tenir pour empêcher le sang de couler. Prends une de manche de ma chemise pour un peu essuyer mon visage avant de m'asseoir au pied d'un palmier.

Y'a un blanc un peu long pendant que Wes s'allume une clope et que je lève mes yeux vers lui. Peut-être que j'y suis allé un peu fort avec mes mots, ça se trouve je l'ai vraiment blessé. C'est cool, il le mérite pour ce qu'il vient de me faire. J'ai vraiment envie de lui éclater la tête contre le béton en face de ma maison en tout cas. Quand nos regards se croisent, j'ai l'impression d'être un cerf pris dans les lumières avant d'une voiture. J'fais mon regard de chien battu qui marche sur certaines personnes. « Tu me passes une clope ? » J'tends une main vers lui. J'sais bien qu'il vient de me péter le nez et qu'il est énervé, mais bon je tente quand même.

tu l'regardes, au fond il t'amuse. on dirait un gosse. un gosse qu'a besoin de se prendre des coups de poing pour qu'il ferme sa grande gueule. un gosse qui fait le beau, qui fait le fier, mais au final, y'a pas grand chose la dessous. il t'fait rire et te fais pitié en même temps. et puis bien sur y'a cette colère que t'as contre lui, parce qu'il te fais changer tes habitudes. t'es pas du genre à fréquenter des mecs comme lui, c'est une première pour toi. c'pour ça que tu sais pas comment faire, tu sais comment réagir, ni quoi dire. alors surement que tu ne prends pas les bonnes décisions, surement que tu te comportes pas bien. mais c'est mieux que rien.
tu tires sur ta cigarette, tandis que lui il s'assoit contre le tronc d'un palmier qui touche presque les nuages. et tu sais pas pourquoi, mais tu t'approches, et tu t'assois à côté de lui. comme si t'avais besoin de le sentir à tes côtés. tu sors ton paquet de clopes, tu lui en donnes une, parce qu'il en a besoin, tout comme toi. tu lui tends aussi ton briquet. puis pendant un temps tu laisses ton regard divaguer sur le gazon trop vert. gazon qu'il faudrait tondre. tu t'en occuperas, plus tard.
et tu le regardes, encore une fois. il a la gueule en sang, tu souris. t'as d'la chance, j'pense pas qu'il soit cassé. tu parles de son nez que t'as salement amoché. mais il l'avait cherché ce con. t'es pas du genre à te laisser faire, encore moins par un sale riche. faut toujours que tu leur rentre dedans, c'est comme ça, ils t'insupportent avec leurs airs supérieurs. alors qu'en vrai ils ne connaissent pas grand chose à la vie.

J'allume une de ses clopes pendant qu'il s'assied à côté de moi. Il a l'air plus calme qu'avant, quand il m'a éclaté le nez. J'ai mal parce que d'habitude j'suis bourré quand j'me prends des poings, là j'ai rien pour atténuer la douleur et le soleil tapant ne fait qu'empirer les choses. J'regarde le ciel, y'a pas un seul nuage, que du bleu et une grosse boule de feu jaune. C'est bien comme ça, le bleu recouvre les trucs qui ne vont pas dans nos vies. Wes est assis à côté de moi comme si les dix dernières minutes ne s'étaient pas passées. Ouais, peut être que mon nez n'est pas cassé, mais il l'a quand même bien attaqué. J'fixe le ciel comme si j'attendais que quelque chose arrive, un truc bien, le genre de choses qui n'arrive jamais dans ce quartier. Rien, encore. Que je souffle la fumée de la clope, ça me brûle le nez et j'ai envie d'arrêter, mais j'persévère, parce que c'est wes qui me l'a passé, parce qu'il est gentil pour une fois. « Ouais. Mais vraiment, t'habites où ? » J'force, mais c'est pas pour le faire chier comme tout à l'heure, j'ai vraiment envie de savoir maintenant. J'sais rien sur ce gars quand j'y repense. Juste qu'il bosse dans un garage quand il ne s'occupe pas des maisons des autres et qu'il ne fout pas de poings dans le visage de ses employeurs.

J'regarde le gazon avec lui maintenant, le gazon toujours trop propre et trop vert, sauf cette putain de tache rouge que je viens d'y laisser. J'me retourne vers Wes au bout de quelques minutes et je lui tape gentiment le bras avec ma main. « j'ai de la beuh dans ma chambre, si tu veux. On peut aller fumer. » J'ai besoin d'un truc pour faire passer la douleur dans mon visage et ce sentiment bizarre dans mon ventre. J'dois avoir l'air bien con, la tête penchée en arrière et le visage repeint en rouge.

tout semble calme, comme si l'orage n'avait jamais grondé entre vous deux. comme s'il ne c'était rien passé. c'est vraiment bizarre comme sensation. tu le regardes, et tu sens un truc qui te retourne l'estomac, qui te retourne les tripes. il revient à la charge, te demande ou t'habites. tu viens de lui exploser le nez, et c'est ça qui le tracasse. tu vois qu'il veut vraiment le savoir. toi tu vois pas pourquoi, c'est pas comme si il en avait quelque chose à foutre de toi. a dana point. une maison sur sleepy hollow lane. tu lui donnes trop de détails, t'as cas lui donner ton numéro de téléphone tant que t'y es, et puis la couleur de ton caleçon aussi.
tu te renfrognes, tires sur ta cigarette qui est déjà presque terminée. puis il t'invite à entrer dans son château, dans sa chambre. t'hésites, tu sais pas sur quel pied danser. et merde. si tu veux. faudrait nettoyer le sang, aussi. puis tu te lèves. sans l'attendre, tu te diriges vers la maison. comme si c'était la tienne, comme si tu connaissais déjà les lieux. c'est vrai que t'es déjà entrer, tu connais quelques pièces. t'y es déjà entrer dans elle était vide, t'as déjà piocher dans le frigo, sans autorisations. parce que tu te fou des règles.
tu t'arrêtes dans le hall de la maison, t'attends qu'Oz te précède. tu sais pas où elle est sa chambre, y'a tellement de pièce que tu pourrais t'y perdre.

Enfin. Enfin il s'ouvre. Enfin il me dit où il habite, tout ce que ça demandait c'était un nez pété et une clope. Ça me fait sourire, mais j'le cache en baissant ma tête et en recouvrant mon visage avec ma chemise. J'fini sa clope pendant qu'il accepte mon invitation à entrer et se lève avant moi pour ne s'arrêter que quand on arrive dans le hall. La chaleur me tue, même avec toutes les fenêtres ouvertes j'ai l'impression d'être dans un fourneau. J'tapote le dos de Wes pour le faire suivre et je commence à monter les escaliers. J'suis bon à ça, l'habitude de monter les escaliers complètement bourré en essayant de ne pas faire de bruit. Première porte sur la gauche, ma chambre. Elle doit être aussi grande que sa maison. Le lit n'est pas fait, y'a des vêtements sales sur le sol et les volets sont fermés. Je les ouvre avec la fenêtre pour gagner un peu de fraîcheur et j'allume la radio en sortant un joint de mon tiroir. Lover's spit à la radio, avec le petit signe qui me dit que la chanson va jouer en boucle jusqu'à ce que Wes ou moi l'éteigne.

J'ferme la porte derrière Wes et allume le joint et je commence à aspirer quelques bouffées. Je sens les effets presque directement : yeux rouges, peau pale et mon cerveau qui part dans tous les sens. J'm'assieds sur le lit avant de m'allonger complétement. J'passe le joint à Wes avant de fermer les yeux. « Wes ? J'suis désolé pour ce que j'ai dit. » Et je le pense en plus. Enfin ça passe dans ma tête avec toutes les autres conneries qui s'affichent dans mon esprit. J'commence à rire en repensant au moment exact où je me suis dit que foutre un coup à un gars deux fois plus musclé que moi était une bonne idée. J'essaye de me retenir, mais c'est dur. « Mec, t'as une famille en fait ? » Si on va rester dans le noir à se défoncer, autant trouver un sujet de discussion.

tu te laisses guider, tu montes les escaliers. pourquoi t'es là wes ? c'est pas ton univers, toute cette richesse te donne envie de gerber. t'as envie de faire demi-tour, de partir en courant. de claquer la porte derrière toi et de ne plus jamais revenir. tu veux plus l'voir, tu veux tirer un trait sur Ozis, sur ce que t'éprouves quand tu le regardes.
t'entres dans la chambre. c'est grand, genre, trop grand. tu te sens perdu, complétement paumé. t'es pas à ta place ici. tu préfères ta maison, même si elle est petite, au moins chaque recoin est utile. tu le regardes qui s'affaire à ouvrir les fenêtres, il allume la radio puis s'allonge sur le lit. et toi dans tout ça ? toi tu regardes, t'observes. debout, comme un pantin. t'es pas à l'aise, et c'est sur que ça se voit. il te tend le joint, alors tu vas le chercher. tu tires dessus, tu t'exploses les poumons. la marie-jeanne emplit ta tête. au moins la drogue t'aidera à te détendre.
tu t'assois sur le lit, dos à Ozis. pas trop loin, ni trop prêt. il s'excuse. gros con, que t'as envie de lui dire. mais tu te tais, tu laisse la fumée s'échapper d'entre tes lèvres. le voilà qu'il t'appelle mec, il te prend pour son pote ou quoi ? tu souris intérieurement, secoue la tête. j'ai mon père. et c'est tout. pas d'mère, pas d'frère, pas d'soeur. t'es tout seul avec ton coeur tout serré, tout seul avec tes idées noires. mais heureusement en ce moment y'a Jim. Jim qui réchauffe tes nuits. tu tires une dernière fois sur le joint, puis tu lui rends. calumet de la paix. tu retires tes chaussures, puis tu te poses à côté d'Oz. t'étends tes jambes sur le lit. tes doigts s'attardent un instant sur la couverture trop douce. et tu cales ton dos contre le mur, de façon à rester en hauteur. et toi, t'as pas d'frangin, si ? manquerait plus qu'un deuxième Ozis débarque de nul part et là t'es certain de plus mettre les pieds ici.

tu l'observes quand il fume, tu regardes la fumée qui s'échappe de sa bouche. putain ses lèvres, t'as qu'une envie c'est d'aller mordre dedans. mais tu te retiens, tu l'connais pas, puis t'as pas envie de te faire renvoyer chier. même si ça t'étonnerais qu'il le fasse. t'as bien vu les regards qu'il te lance. en temps normal tu serais déjà passer à la vitesse supérieure, mais avec Ozis y'a un truc qui te bloque. surement parce que c'est un connard de riche. ouais, deux cons pour le prix d'un. tu souris en coin, c'est sur que si celui là aurait un frère tu ne travaillerais surement plus ici, surtout s'ils se ressembleraient au niveau du caractère.
il te retend le joint, que t'accepte volontairement. tu tires, encore et encore. tu sens la marie-jeanne qui te monte au cerveau. puis tu le regardes qui mange un vieux morceau de pizza, avant de mettre le carton sur tes genoux. tu sens que tes neurones sont attaquées, mais pas suffisamment encore. pourtant sa weed est bonne, faudrait juste que tu te détende. j'suis maigre ou quoi ? tu le fixes, un sourire qui étire tes lèvres. a chaque fois que je croise un riche il veut me donner à bouffer. ça va, j'suis pas un chien errant. t'es pas maigre, au contraire, t'arrives à t'entretenir correctement, tu squattes même une salle de sport de temps en temps. tu repousses gentiment le carton à pizza puis t'écrases le joint dessus, parce qu'il est fini. puis tes yeux s'égarent sur la chambre d'ozis, sur son armoire qui est aussi grande que ton salon. à quoi ça te sert d'avoir autant de fringues, sérieux ? t'es sûr qu'il en met même pas la moitié. putain de riche.