shit, shock, horror

- nom complet : ashley, un prénom mixte. il est bien placé pour le savoir, c'est le sien et il a passé la majeure partie de sa vie à le rappeler à ses petits camarades, toujours prompts à se moquer. il a maudit ses parents et leurs idées ridicules jusqu'à ce qu'il n'en ait plus grand-chose à faire. son second prénom, qu'il utilise quand il préfère se faire discret, c'est james. probablement un hommage à un aïeul obscure, un grand-oncle ou un lointain cousin, il n'est pas sûr. et pour finir, il porte le nom de son père, eastwood. - âge, date et lieu de naissance : âgé de vingt-sept ans, il est né un premier mai, à belmont springs. - origines et nationalité: de nationalité américaine, il a de la famille en france, du côté de sa mère.  - occupation et situation financière : bien que le vignoble de son père soit tombé dans l'oubli après un scandale particulièrement sordide, ashley est resté dans le domaine du vin. il est sommelier, après avoir arrêté ses études d'oenologie quelques mois avant son diplôme, et il s'en sort plutôt bien, pour quelqu'un dont la famille a perdu une large partie de sa fortune. il n'a pas eu à rembourser de prêt étudiant, ni à s'endetter pour trouver un toit puisque son loft appartient à ses parents depuis de nombreuses années, c'est l'un des rares bien qu'ils ont pu sauver d'ailleurs. il vit seul, sans enfant à charge et si sa fiancée a des goûts un peu extravagants, elle tient bien trop à son indépendance pour lui faire payer quoi que ce soit. - statut civil : il est fiancé depuis trois ans déjà. on pourrait s'attendre à ce qu'il soit marié maintenant mais toutes les excuses sont bonnes pour repousser le mariage, malgré l'insistance de ses parents pour qu'il épouse enfin la belle-fille de leurs rêves. - orientation sexuelle : il se décrit comme bisexuel, malgré l'insistance de nombreuses personnes pour le nier. - traits de caractère : malgré une apparente immaturité qu'il prend soin de cultiver au travers de plaisanteries plus ou moins fameuses et d'une lâcheté pas vraiment feinte, ashley est réaliste. il est conscient qu'il ne peut plus se permettre d'être un gamin et il aspire à devenir un homme bien. son infidélité chronique met sans doute ce genre de plans en péril et il est par ailleurs passer maître dans l'art de se voiler la face. menteur invétéré, prêt à tout pour sauver les apparences, il ne supporte pas qu'on lui impute les fautes de son père et il réagit souvent de manière impulsive lorsqu'on lui fait une réflexion qu'il estime déplacée. il donnerait tout pour se détacher du passé de ce famille et il n'est guère patient avec ceux qui s'obstinent à ne pas comprendre. toutefois il sait être poli et suffisamment charmeur pour éviter ce type de situations. toujours souriant, il a la blague facile et la galanterie lui est aussi naturelle que la grossièreté, il suffit de savoir quand faire preuve de finesse.  - quartier de résidence : del rey oaks.  - groupe : lone wolf.

my silver spoon has fed me good
ashley n'a jamais été un très bon élève à l'école. turbulent et incapable de tenir en place, il savait toutefois être suffisamment agréable avec ses professeurs pour se sortir du pétrin sans prendre de blâme. il ne s'est mis à réellement travailler qu'une fois arrivé au lycée, lorsque les choses sont devenues sérieuses. - le vin est une passion familiale chez les eastwood. il est donc apparu naturel qu'il oriente ses études dans cette voie mais il ne les a pas terminé. - il déteste conduire et il fait tout pour éviter de prendre le volant. - il ne peut s'empêcher de parler lorsqu'il regarde la télévision. son ancien colocataire trouvait ça proprement insupportable et même si il dit le contraire, ashley est convaincu que c'est l'une des raisons pour lesquelles ils ne s'entendaient pas. c'est plus fort que lui, il a besoin de faire connaître son opinion sur le moindre petit détail d'un film, d'une série ou d'une émission, quel qu'il soit. - il a joué au baseball au lycée et à l'université. - il est mal à l'aise avec les enfants, il ne sait jamais comment se comporter avec eux. sa mère prétend que ça lui passera avec le temps et qu'il fera un très bon père mais c'est une éventualité qu'il ne parvient pas à envisager. il n'a pas envie de se marier, alors fonder une famille ? encore moins. merci mais non merci. - constance et lui se sont fiancés un an tout juste après s'être rencontrés. une décision qu'ils ont pris de manière pragmatique, presque clinique. ni elle ni lui ne semble prêt à sauter le pas, bien que leurs parents fassent pression pour qu'ils se hâtent. ashley aime à penser qu'il a des sentiments pour elle et c'est sans doute un peu vrai mais il n'est pas suffisamment amoureux pour accepter l'idée de passer sa vie à ses côtés ou même de s'installer avec elle. ils vivent chacun de leur côté, sans avoir offert la clé de leur appartement à l'autre. au final, leur histoire tient plus d'un arrangement qu'autre chose. - il prend grand plaisir à moquer autrui mais il déteste être l'objet des plaisanteries des autres, ce qui est tout à fait hypocrite mais ça ne lui pose guère de problème de conscience. - bien qu'il entretienne une relation avec constance depuis bientôt quatre ans, ça ne l'empêche pas de voir régulièrement d'autres personnes. ce n'est jamais sérieux et ça dure rarement, ce qui lui convient parfaitement. sa fiancée s'en doute, même si ils n'abordent jamais le sujet. tant qu'elle ne l'embarrasse pas, constance est apparemment prête à sacrifier une partie de sa dignité pour le laisser s'amuser. ashley la soupçonne d'en faire de même et ça ne l'agace nullement, ce qui est probablement la preuve la plus flagrante de la superficialité de ses sentiments. après tout, elle lui a été présenté par son père comme le ticket de retour à la gloire de la famille et il estime que ce n'est pas à lui de racheter les fautes de son père. - sa vue est des plus ridiculement mauvaises. il porte des lentilles presque huit heures par jour et il est incapable de se diriger dans son appartement sans sa paire de lunettes. à une époque, il les perdait tellement souvent qu'il en a fait faire plus d'une demi-douzaines de paires, disséminées un peu partout chez lui. - son loft a été acheté et rénové par ses parents dans les années 90. remis à neuf il y a quelques temps, il y a emménagé après l'université. c'est l'une des rares propriétés de la famille que les avocats de son père aient pu sauver. il n'a donc rien à payer, si ce n'est les factures d'eau et d'électricité. - il a perdu sa virginité avec un garçon, un vieil ami qu'il voit aujourd'hui très peu. c'était au lycée, ils étaient tous les deux un peu curieux, un peu attirés l'un par l'autre aussi. c'était maladroit et plutôt mauvais quand il repense à présent mais ils sont restés amis. ils s'envoient de longs emails plusieurs fois par semaine et ce garçon, aujourd'hui âgé de vingt-huit ans, peut se targuer d'être l'une des rares personnes capables de mettre ashley eastwood face à la réalité des choses sans se prendre une flopée d'insultes au visage. - il cuisine très mal, malgré tous les conseils de sa mère et de ses différents collègues. c'est presque un complexe d'ailleurs, pour lui qui a toujours travaillé dans la restauration. - lorsque les problèmes financiers et judiciaires de sa famille ont commencé, il a tout plaqué du jour au lendemain. il a quitté l'université sans rien dire à qui que ce soit, a rempli une valise et il est parti vivre quelques mois chez l'une de ses cousines, en france. ses parents ont fini par l'apprendre évidemment mais rares sont ses amis qui ont su où il était passé. certains ne lui ont pas pardonné d'avoir disparu comme ça, notamment la femme qu'il fréquentait à l'époque. ashley ne s'est pas expliqué ni excusé pour autant. il a pété les plombs, il a perdu le contrôle et il déteste y repenser. - les apparences ont une grande importance pour lui, c'est pourquoi il travaille beaucoup sur son impulsivité depuis quelques années. il n'a pas l'habitude de réfléchir avant d'ouvrir la bouche mais il a compris que ça pouvait lui éviter des ennuis. - il a toujours eu un faible pour les gens de caractère et le goût de l'interdit lui donne des ailes. c'est comme ça qu'il a commencé à coucher avec olivia, huit ans plus tôt. elle était sous-chef de la brigade de cuisine du restaurant dans lequel il était en stage. plus âgée que lui, plus haute que lui dans la hiérarchie, elle représentait tout ce qu'il n'était pas sensé convoité, ni courtisé. ils ont continué à se voir après la fin de son stage mais ashley n'a jamais imaginé que ça puisse être vraiment sérieux. ou peut-être ne voulait-il pas le voir mais c'est chez elle qu'il allait après les cours au lieu de rentrer chez lui, c'est elle qu'il appelait en premier en apprenant une bonne nouvelle et c'est avec elle qu'il passait tout son temps libre. à l'époque, ses amis le taquinaient, désirant rencontrer cette mystérieuse fille dont il était amoureux mais ashley a toujours balayé ce genre de réflexions en riant, leur assurant qu'il n'était pas amoureux, juste occupé. bien sûr, il n'a pas annoncé à olivia son départ pour la france et il n'a plus jamais entendu parler d'elle. il n'imaginait pas retravailler avec elle en rentrant à belmont springs. - il vit seul, à l'exception d'un gros chat qui a élu domicile chez lui. ashley n'a pas jugé nécessaire de lui donner un nom mais il prend grand plaisir à le surnommer chaque fois que l'occasion se présente. - ses parents ont quitté belmont springs peu après leur faillite mais ashley a décidé d'y revenir, quelques années après le scandale. c'est là qu'il a grandi et si il est tout à fait honnête, il avouera que la ville lui manquait.

we kings of cosmopolitan love and nihilistic suffering
“I need to be alone. I need to ponder my shame and my despair in seclusion; I need the sunshine and the paving stones of the streets without companions, without conversation, face to face with myself, with only the music of my heart for company.”

and we woke up together not quite realising how, awkwardly stretching and yawning, it's always hard in the morning. and i suppose that's the price you pay © theasqueen | artic monkeys.

Il peut le faire, il peut pousser cette porte et avancer, son cv sous le bras, pour aller supplier un hypothétique patron au visage familier qui sait probablement tout de sa famille et de sa ruine. Supplier pour être embauché, une idée qui ne lui serait jamais venu à l'esprit. Il était destiné à reprendre le domaine familial, à gérer une exploitation viticole comme on en fait plus et à en retirer toute la gloire. Était, c'est bien le problème. Mais il peut le faire, il va le faire. Pied gauche, pied droit, on y va. Il prend une profonde expiration et il entre enfin dans l'établissement qu'il a passé dix minutes à contempler. Avec la chance qu'il a, l'hypothétique patron évoqué plus tôt se trouve derrière la vitre et personne n'embaucherait un type qui a l'air de regarder la mort droit dans les yeux avant un entretien.

(Peut-être qu'il exagère un peu, un tout petit peu.)

Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne s'attendait pas à ça. A être embauché. Pas après le haussement de sourcils moqueurs du gérant lorsqu'il s'est présenté. L'homme n'a rien dit mais Ashley n'est pas idiot, toute la ville a assisté à la déconvenue de son paternel et c'est lui qui ramasse les pots cassés. D'habitude, il ne se gêne pas pour répondre avec véhémence mais il a vraiment besoin d'un job, alors il a ravalé ce qui lui reste de fierté et l'autre n'a pas insisté. Il n'a pas fait la moindre remarque, n'a pas demandé ce que fait ce bon vieux Freddie Eastwood maintenant qu'il a tout perdu. Il s'est contenté de lui poser des questions tout en lisant ses références et il lui a donné le job. Il lui a donné le job. Comme ça, sans même prendre le temps de réfléchir, sans lui dire qu'il le rappellera. Soit il est complètement dingue, soit Ashley a une chance de cocu ou une connerie dans ce style-là. Il pencherait plutôt pour la première option, parce que c'est lui, l'infidèle, pas Constance. Elle ne répond d'ailleurs pas lorsqu'il l'appelle pour lui annoncer la bonne nouvelle mais ce n'est pas grave. C'est une fille occupée et il n'a pas envie de devoir lui faire un débriefing complet de son entretien au téléphone, alors ça l'arrange qu'elle ne décroche pas. Ils forment un couple atypique, il le sait et ça n'a rien de romantique mais ça fonctionne.

Avant même qu'il ait eu le temps de s'en rendre compte, c'est le moment de commencer et il est présenté à une équipe qui se connaît manifestement très bien. Il hoche la tête, il serre des mains en souriant, un peu forcé. L'accueil est froid mais poli, il est étranger à leur groupe, à leurs méthodes, il le comprend parfaitement. Une porte s'ouvre puis se referme violemment, suivi par les claquements d'une paire de talons hauts sur le carrelage. « Sorry I'm late, I was- oh. Hi » Ashley connaît cette voix, il n'a même pas besoin de lever les yeux pour la regarder. Mais il le fait quand même, parce qu'il n'a jamais eu la moindre volonté concernant cette voix, ce visage, cette femme. Olivia. « Hi » dit-il à son tour avec un sourire auquel elle ne répond pas et, vraiment, qui pourrait l'en blâmer ? On leur demande si ils se connaissent et il la laisse gérer la réponse, il ne veut pas l'embarrasser alors qu'ils n'ont pas encore commencé à travailler ensemble. Liv hausse les épaules, murmure une réponse inintelligible qui équivaut certainement à un on a travaillé ensemble et elle disparaît aussitôt en cuisine. Ashley ne se formalise pas, il n'a jamais imaginé la revoir, alors il ne peut pas dire qu'il s'attendait à autre chose. Ou qu'il s'attendait à quoi que ce soit, pas après ce qui s'est passé.

*
Elle est belle, tellement belle et elle manie le couteau avec une expertise qu'il trouve vraiment hot. C'est vaguement bizarre, certainement très inquiétant mais il a envie de lui sauter dessus chaque fois qu'il la voit aux fourneaux. Voilà pourquoi il évite de se retrouver en cuisine si il peut l'éviter, parce qu'il n'a rien d'un exhibitionniste et il tient à avoir de bonnes appréciations sur ce stage. S'envoyer le sous-chef n'est pas tout à fait la chose à faire pour laisser une bonne impression au chef alors il évite les cuisines et il l'évite, elle. Mais l'univers aime se foutre de sa gueule et à la fin de la soirée, alors qu'il est sensé fermer parce qu'il n'est qu'un stagiaire et qu'il doit fermer sa gueule même si il s'appelle Eastwood, il la retrouve, assise sur une table, une bouteille ouverte à côté d'elle et un verre à la main. « What are you still doing here? » demande-t-il et elle hausse les épaules. Ashley s'approche, incapable de détacher ses yeux des siens. Elle devrait être partie depuis longtemps, elle a l'air exténué et il sait qu'elle doit redoubler d'efforts pour se faire respecter parce qu'elle est la seule femme dans une cuisine dirigée par des hommes. Elle est dure, elle n'hésite pas à hausser la voix et à se montrer méchante, et lui il écoute de loin, il ricane en l'entendant réduire à un tas de chuchotements nerveux des mecs deux fois plus imposants qu'elle. « Hey, I was drinking that » proteste-t-elle faiblement lorsqu'il lui prend son verre et il rit doucement. Il est trop près, si près qu'il peut voir chaque minuscule détail, chaque trace sur sa peau. Sa main libre traîne sur son jean, s'attarde sur sa cuisse. Il sait qu'il est en train de faire une connerie. Contrairement à ce qu'une majorité de personnes pense, Ashley a une notion très précise du bien et du mal, il sait quand il est en tort, quand quelque chose lui est interdit mais ça ne l'arrête pas, ça ne l'a jamais arrêté. Ça l'excite plus qu'autre chose et Liv n'arrange rien, au contraire. Elle se penche en avant, un rictus moqueur illuminant son visage fatigué et elle est si proche qu'il sent sa respiration effleurer la peau de sa joue. Ils échangent un autre regard, un regard lourd de questions mais Ashley n'hésite pas plus longtemps avant de l'embrasser. Elle le tire à elle, réduit les maigres centimètres qui les séparaient jusque-là à rien et ses doigts trouvent sa nuque, la naissance de ses boucles blondes et tirent, tirent, tirent. Il réprime un frisson et l'agrippe à son tour, le verre encore plein oublié sur le coin de la table. Il se perd contre ses lèvres, oublie le stage, leur patron, tout ce qui n'est pas sa bouche, ses murmures incohérents et la main aux prises avec sa ceinture.

*
Olivia travaille là. Merveilleux. Olivia, qui n'est pas sa fiancée mais une ancienne collègue, de dix ans son aîné, Olivia qu'il a laissé tomber sans un mot d'explications quand les problèmes de son père ont commencé, Olivia qui l'ignore avec une froideur admirable. Elle est toujours aussi sexy, même quand elle aboie des ordres à sa brigade et le fusille du regard avec dureté. Il n'a plus vingt ans, il n'est plus un gamin sans volonté. Cette fois, il va rester éloigné, vraiment éloigné.

(Probablement pas mais tout le monde a le droit de rêver.)

Constance a déjà appelé quatre fois ce soir mais il laisse son portable en silencieux chaque fois qu'il travaille et il n'allait pas abandonner l'agaçant monsieur Donovan et son absence de palais pour répondre à sa fiancée. Il aurait pu la rappeler durant sa pause, si il n'avait pas passé celle-ci à observer Olivia du coin de l’œil, en écoutant d'une oreille distraite le bavardage de l'une des serveuses. Un peu de culpabilité atténuerait un peu la gravité de la situation mais il est incapable de s'en vouloir alors qu'il passe la majorité de ses journées à reluquer son ex. Qui n'est même pas vraiment son ex. Ils n'ont jamais dîné ensemble, jamais été au cinéma, ne se sont jamais tenus la main dans la rue. Ils se contentaient de passer un peu de bon temps ensemble, ce qui est un joli euphémisme et un très, très gros mensonge mais Ashley n'a pas l'énergie de se plonger dans ce genre d'introspection. Regarder Olivia, ou plutôt épier Olivia et chacun de ses mouvements est bien plus divertissant et moins emmerdant. « Stop staring at me » gronde-t-elle un soir en passant à côté de lui. Il essaye, il essaye vraiment de l'arrêter mais elle bondit en avant en sentant sa main glisser sur son bras, comme si son contact la dégoûtait. « Liv » tente-t-il, une note de désespoir dans la voix. Elle fait volte-face et le regard noir qu'elle lui jette l'arrête net. « Don't » articule-t-elle simplement et après ça, elle disparaît, ses hauts talons tapant sur le sol. Clac, clac, clac et elle n'est plus là. Constance choisit ce moment précis pour rappeler et il grogne en voyant son visage souriant s'afficher sur l'écran de son portable. Il pressent une autre conversation à propos du mariage qui va lui manger du temps et de l'énergie. La simple idée d'être lié à une femme jusqu'à la fin de sa vie ne le dérange pas plus que ça et il aime sincèrement Constance, c'est l'aspect solennel de toute l'affaire qui l'effraie profondément. Jurer fidélité à une seule personne jusqu'à la fin de ses jours ? Très peu pour lui.

Constance continue d'appeler, incarnation parfaite de la détermination ou de l'endurance peut-être, et Ashley continue de l'ignorer, la couardise faite homme. Elle laisse des messages qu'il n'écoute pas, elle envoie des textos qu'il lit à moitié et à en croire son voisin de palier, elle est passée plusieurs fois chez lui, passablement énervée. Le fait même qu'elle n'ait pas la clé de chez lui en dit long sur leur relation mais après tout, Constance est une fille indépendante, elle comprend certainement qu'il a besoin de son intimité, luxe qu'il ne pourra plus se permettre une fois qu'ils seront mariés.

(Si tant est qu'ils se marient un jour et après quelques verres, Ashley admet volontiers qu'il n'a pas du tout hâte de se retrouver avec la corde au cou.)

Ses collègues sont des gens charmants et lorsque l'insistance de Constance leur remonte aux oreilles, ils tournent ça en dérision. Ils ignorent depuis quand ils sont fiancés et ils imaginent certainement que Connie est un genre de bridezilla, capable de faire douter le plus amoureux des hommes, autrement dit Ashley. Ils sont bien loin de se douter que leur histoire d'amour est surtout une histoire de convenance et de services rendus entre amis. Le père de Constance est un vieux camarade de classe du sien et Ashley s'est laissé convaincre quand son paternel lui a annoncé avoir une fille bien à lui présenter. Il soupçonne Constance d'avoir eu droit à un petit speech de son cher papa sur l'importance de la loyauté et de l'amitié, mais elle n'a jamais rien dit. Lui non plus. C'est important, les apparences. Ils se sont fiancés dans un accord tacite, il n'a pas posé un genou à terre et elle a choisi sa bague dans les semaines qui ont suivi cette décision. Cela n'empêche pas les sentiments mais l'affection qu'ils partagent est née de la routine plus qu'autre chose, ce qui convient tout à fait à Ashley. Il mène son existence comme il l'entend et elle peut se vanter d'avoir un homme dans sa vie en tolérant ses fréquentes infidélités, tant qu'il reste discret. Tout le monde y trouve son compte au final. Ce n'est pas un conte de fées, ni une comédie romantique, ce n'est pas même pas digne d'une jolie histoire relayée par un quelconque magazine numérique. C'est leur vie, même si Ashley n'est pas prêt à s'y engager pleinement. Il en parle peu, d'ailleurs il ne sait même pas comment ses collègues sont au courant. Étonnamment, c'est Liv qui lui apporte la réponse. « She came here once, you were on a break or something. Started crying, like, actually crying. Big fat crocodile tears if you ask me » dit-elle dans le calme tout relatif de la nuit, un soir, alors qu'ils sont tous deux de fermeture. Une cigarette danse au coin de ses lèvres alors qu'elle se débat avec son trousseau de clés. « You don't know her » réplique Ashley et c'est loin d'être véhément. Il ne cherche pas à défendre Constance, il la connaît, il sait tout de ses talents d'actrice. Elle aime être le centre de l'attention et elle ferait n'importe quoi pour obtenir ce qu'elle veut si elle sent qu'elle a la moindre emprise sur son public. « Look at you, defending the fiancée » Liv se tourne vers lui et siffle, faussement admirative. Elle est minuscule mais elle lui donne tellement l'impression d'être immense, bien plus grande que lui, si imposante. Il déteste ça, il déteste cette manie qu'elle a de lui faire sentir qu'il n'est pas du tout aux commandes de la situation. « It sounds a bit fake to me, you know. Might have sounded better if you didn't spend all your shifts undressing me with your eyes every chance you got » continue-t-elle, sur un ton de défi et il sent, il sent qu'il est sur la mauvaise pente. Il est resté à l'écart jusque-là, il s'est arrangé pour n'avoir jamais à fermé avec elle par crainte de cette situation. Elle a beau être collée à la porte, c'est lui qui est dos au mur et il en sauterait presque de joie. Une joie malsaine, parce qu'il avait vraiment dans l'idée d'éviter Olivia tant que ça lui était possible. « I didn't » grince-t-il entre ses dents, l'ombre d'un sourire placardé sur ses lèvres. Il fait un nouveau pas en avant, le premier dont il a conscience d'ailleurs et elle est quasiment pressée contre lui. Sa poitrine se soulève rapidement, signe qu'elle n'est pas aussi maîtresse d'elle-même qu'elle aimerait le lui faire croire et son sourire s'élargit quand il comprend. « You're doing it right now » insiste-t-elle, le souffle court et les joues rouges. Elle a envie de lui, certainement autant qu'il a envie d'elle. « I'm not » et il se penche, décidé à céder tout de suite. Qui sait, peut-être que ça lui permettra de se la sortir de la tête. Seulement elle se dérobe et avant même qu'il comprenne qu'elle n'est plus serrée contre lui, prise en sandwich entre son corps et la porte du restaurant, elle est derrière lui, hilare. « You're a pathetic ass, Ashley Eastwood. Do you really think I'd sleep with you, knowing that you don't only have a girlfriend but also that you're engaged to her? After the way you left me years ago? Or do you do this on a regular basis? Never mind, I don't care. You're a pathetic ass either way. I strongly recommend you to stay the fuck out of my way if you like the way your stupid face is arranged because- » « You done? » l'interrompt-il, plus agacé à présent qu'il ne le voudrait. « You don't know shit about Constance, about our relationship or about me. You know nothing and I strongly recommend you to stop assuming things if you don't want to end up alone and bitter over the sweet days of your youth » C'est un coup bas, même si il frappe à l'aveuglette. Olivia ne lui a jamais donné l'impression de se préoccuper de son âge mais à l'époque où il l'a connue, elle avait huit ans de moins. A la manière dont elle s'est raidie, il devine qu'il a tapé juste. Eh bien, chacun son tour. « Fuck you Ashley » lâche-t-elle avant de s'éloigner d'un pas rapide et puisqu'il est incapable de ne pas avoir le dernier mot et qu'il n'est pas si mature qu'il aimerait le faire croire, il lance : « yeah, well you already did that, didn't you? » mais cette fois, Liv ne répond pas.

(Cette fois, avoir le dessus n'est pas aussi agréable que lorsqu'il s'agit de remettre à leur place tous ces types qui ont un jour considéré son père comme l'un de leurs amis et s'amusent aujourd'hui de sa déconvenue.)

*
Les déjeuners dominicaux en famille sont un sacrifice qu'Ashley est de moins en moins décidé à faire. C'est une tradition qu'il a toujours connu et embrassé. Petit, il attendait avec impatience ces repas, exclusivement préparés par sa mère sans l'aide de leur cuisinière, au cours desquels son père se laissait aller à la confidence et lui racontait son enfance. A l'adolescence, c'est devenu l'un des rares moments où il baissait sa garde. Une fois à l'université, il a mis un point d'honneur à revenir, deux fois par mois pour le week-end et ce déjeuner, si important à ses yeux. Une valeur bafouée par les mensonges de son père et ce n'est que de longs mois après la faillite familiale qu'il a consenti à revenir, autant pour apaiser sa mère que pour sauver les apparences. Il n'a jamais emmené Constance et ses parents ne le lui ont jamais demandé pourquoi, jusqu'à aujourd'hui. « She's busy » répond-t-il en songeant que le mensonge est certainement un talent héréditaire. Toutefois son père n'a pas l'air convaincu, sans doute parce que ce n'est pas au vieux singe qu'on apprend à faire la grimace. Si il y a bien quelqu'un qui attend le mariage avec impatience, c'est bien lui. Comme si épouser la fille d'un riche entrepreneur pouvait lui ramener son vignoble. « I just told you, she's busy » répète Ashley quand son père insiste. Il aimerait pouvoir lui dire la vérité mais c'est au-dessus de ses forces. Leur complicité a volé en éclats lorsqu'il a appris que son père n'était rien de plus qu'un escroc. Le pardon n'est pas dans ses cordes et il n'a aucunement l'intention de travailler là-dessus. Heureusement, sa mère est là pour diffuser les tensions et faire oublier, le temps d'un déjeuner, que leur famille n'est plus ce qu'elle était.