○ it's just a thought, only a thought.

Un morceau de Franck Sinatra, un rythme ancien et plaisant à la fois. Un refrain qui ne perd nullement de sa valeur, de son authenticité. Des paroles qui ne cessent de défiler et accompagne ton enfance. Un parfait condensé pour finir une journée de cours à l’université. Les deux mains sur le guidon de ta bicyclette, la mélodie fredonne en murmure de ta bouche, alors que tu te faufiles avec une certaine habilité entre les quelques voitures. Ces dernières ne cessent de s’accumuler, subissant alors le bouchon des heures de pointes d’entre midi et deux. Après une certaine routine, tu savais pertinemment qu’user des moyens en transports à cette heure ralentissait pas mal ton emploi du temps et depuis ton accident de voiture, ton deux roues devient dès lors ton plus fidèle allié. Un moyen de déplacement que tu conçois comme le plus sûr. Tu accélères un peu le mouvement laissant quelques mèches s’échapper de ta longue tresse qui repose sur le coté de ton épaule droite. Tu quittes la route principale afin de bifurquer à gauche pour finalement atteindre la cour de ton immeuble situé dans le quartier sud. Un arrondissement qui tient sa réputation et ses preuves de mauvaises fréquentations. Un lieu qui t’avait vu grandir mais également qui abritait bon nombres de tes souvenirs et qui continuerait sans le moindre doute à le faire. On ne quittait jamais réellement Belmont Springs. L’occasion de prendre tes distances avec cette ville c’était offerte à toi il y a quelques années en arrière, lors de ta première année de faculté. L’offre d’une bourse dans l’une des meilleures universités de Washington mais tu avais décliné afin de pouvoir rester près de ta famille. L’ambition aurait pu être démesurée et pleinement personnelle, mais tu t’es toujours refusé à penser de cette manière. Un état d’esprit qui est bien loin de te ressembler bien au contraire. Tu descends de ton vélo avant de l’attacher au parc prévu à cet effet en bas de l’immeuble et de grimper par l’escalier pour atteindre le quatrième étage. Une fois devant la porte de l’appartement que tu partages avec ton meilleur ami, tu glisses la clef dans la serrure mais celle-ci résiste alors tu pousses la porte. Avec ce détail, tu sais déjà – avant même de le savoir – que ton frère ainé est présent. Une affirmation prouvée lorsque tu l’aperçois avachis sur le canapé, les deux pieds croisés sur la table, une manette à la main et la console allumée. « Roos, tu pourras me passer une canette s’il te plait. ». Te dit-il en toute décontraction sans pour autant quitter l’écran de la télévision des yeux. Tu secoues la tête tout en avançant en direction de la cuisine, les bras chargés d’un paquet de courses et de ton sac de cours. « Moi aussi je suis heureuse de te voir, frangin. ». En arrivant dans la cuisine, Milo se lève du tabouret pour venir te prendre le sac des mains, un sourire complice se dessinant sur ses traits. Tu fronces légèrement les sourcils en direction de ton lien fraternel et de revenir à ton colocataire. « Il est là depuis au moins trois heures, une humeur massacrante, je te laisse imaginer la suite. ». Tu hoches lentement la tête en imaginant déjà la situation. Dick n’a jamais réellement porté Milo dans son cœur, déclarant qu’il ne pourrait que t’apporter des ennuis. Milo de son côté  jouait toujours sur l’ignorance et l’indifférence mais depuis ses quelques démêles avec la justice, la tension est à son comble. S’ils se tolèrent l’un et l’autre c’est uniquement pour toi. Préférant opter pour un changement de sujet, tu laisses ton regard s’attarder sur ton ordinateur portable devant lequel il était attablé avant ton arrivé. « La recherche de boulot est fructueuse ? ». L’interroges-tu tout en suivant la page du net ouverte. « Pas vraiment, les portes se ferment et je ne peux pas blâmer les patrons. Imagine un peu avoir un employé qui a un casier judiciaire ma grande ? ». Réplique-t-il tout en rangeant les courses dans le réfrigérateur. Tu te redresses rapidement en le regardant quelque peu fâchée et emportée. « Et la tolérance alors ! Tu n’y aies pour rien dans cette histoire Milo, tu es la victime est rien d’autre. Les gens n’ont aucune jugeote voilà tout. Laisse les rumeurs couler. ». Il avait été jugé à tort pour un crime qu’il n’avait nullement commis, mais bien évidement preuve et justice ne faisaient parfois pas bon ménage. Si tous les membres de sa famille lui tournaient le dos, cela ne serait aucunement ton cas. « Ecoute, je dois aller garder un enfant pour une amie et ensuite j’enchaine pour la soirée au bar. Je toucherai deux mots à mon patron … ». Finir ta phrase est impossible, ton camarade de coupant la parole de manière catégorique. « Non. Je sais que ça part d’une bonne attention Roos mais tu fais assez comme ça depuis le début. ». Tu te lèves en te plantant devant lui, les bras croisés, le visage fermé et déterminé. « Tu sais que c’est inutile pas vrai ? ». Lui dis-tu en esquissant un rire malicieux et amusé à la fois. Il secoue la tête en soupirant de lassitude sans pour autant se départir de son rire. « Oh oui, j’en ai un aperçu depuis un bail. ». Vous partez un rire commun qui traduit toute votre complicité amicale presque fraternelle entre vous. Ton cellulaire vibre tel un bourdon dans la poche de ta veste. Un appel manque de Colton ? Tu arques un sourcil ta conscience partant à la recherche d’informations plausibles mais la voix de ton frère te rappelle à l’ordre. « Roos, c’est pour aujourd’hui ou pour demain. ». A nouveau un rire éclate, il pourrait toujours se brosser pour que tu viennes le servir, une façon de lui rendre l’appareil après tout.