(Cat + Eden) Casually being a weirdo.

Tuesday, March 16th, 07:03 a.m”

Eden se regardait dans le miroir de sa chambre, l’air implacable.
Il n’avait même pas prit le temps de s’habiller – et ses cheveux ébouriffés en étaient la preuve matérielle. S’il était debout si tôt dans la matinée, c’est avant tout parce qu’il avait les pensées embourbées par la présence de Cat Gallagher.
Pas d’une mauvaise façon, non. Il se glissa à nouveau entre ses couvertures, le dos contre son matelas, et tenta de faire le tri dans sa tête. De rationaliser le chaos qu’était son champ de combat mental. Mais indéniablement, ce mardi, c’était une tête brune et un regard profond qui remplaçaient tous ses devoirs. Non, ce n’était pas de mauvaises pensées. C’était juste troublant, que d’y penser tout court. Il ne savait pas comment cerner la jeune femme, ni même si elle l’appréciait. Si elle n’avait pas besoin de présence humaine ou peu importe ce qu’Eden pouvait prétendre à apporter à une autre créature de la même espèce que lui. Mais – elle était intrigante. Ce n’était pas le fait d’être seulement potentiellement apprécié qui rendait la relation intéressante. C’est qu’elle était surtout très jolie et qu’elle n’avait pas, contrairement à la plupart de l’humanité, la clé de son for intérieur au creux de la main. Il ne suffisait pas de la regarder pour découvrir les secrets qu’elle refermait – et Eden n’était pas du genre intrusif, de toute manière. Seulement curieux. Et c’est cette curiosité-là qui l’avait empêché de se rendormir, à quatre heures du matin.
Peut-être qu’il devrait adopter un chat. Non, vraiment.
Il faudrait y réfléchir, car son habitation est d’un solitaire frappant, en pleine nuit. La plage, qui n’était pas souvent fréquentée par les visiteurs dans le domaine résidentiel, était comme glacée. Malgré la chaleur californienne, il eut l’impression de revoir ses familiers paysages anglais lorsqu’il descendit dans la cuisine, une heure plus tard. Bien sûr, il faisait encore nuit – mais il se refusa d’allumer toutes les lumières. Il opta pour une Yankee Candle, qu’il déposa sur le comptoir.
En fait, un chat serait bien – parce que faut pas plaisanter non plus, il doutait qu’il était assez supportable pour qu’une présence humaine puisse le supporter plus de vingt-quatre heures. Il était versatile. Un peu trop. Lunatique, ce vilain. Comme une femme pré-ménopausale. Il savait déjà ce qu’il allait faire, en ouvrant les placards pour en sortir des Tupperware. De son frigidaire il sortit la moitié du contenu, pondéra les choses, et finit par ne garder que les fruits. Il coupa un pomelo en deux, manqua de s’éclabousser avec, rajouta des mangues, du raisin et des fruits de la passion à ce qui aurait dû être une composition culinaire réussie. Mais, dans la semi-obscurité et à cinq heures du matin, il n’avait pas le courage de s’appliquer. (Puis, comme on a pu le constater précédemment : il pensait à Cat.)
Il rajouta du porridge dans des plus petites boîtes, et versa du thé dans un thermos. (sans se brûler.) (Admirons cet instant de victoire.)
A six heures, Eden était habillé et dans le siège de sa voiture, les mains sur le volant. Il n’y avait toujours personne  à l’horizon – puis il se rappela qu’il ne vivait pas dans le lieu le plus actif de la Californie. Une fois sorti du quartier, les passants s’étaient multipliés et il se fondit parmi la masse de conducteurs stressés ou en retard. Lui, il avait l’impression d’être juste à la bonne heure. Tout allait bien. Il sentait à peine la fatigue de la nuit précédente – tout semblait s’effacer face à la perspective de la matinée à venir. Il roula en se remémorant la soirée organisée par sa mère, puis de son jeu de mot ridicule, puis tous les autres moments où il avait pu être sacrément gênant. Il n’en revenait toujours pas d’exister.
C’est au centre-ville que les choses se gâtèrent. Ses vitres étaient teintées, et il n’avait lui-même pas l’habitude d’être au cœur d’un rassemblement d’appareils photos à pattes – mais il constata la présence de quelques photographes, éparpillés dans les rues. Cherchant sans doute de quoi vendre afin de survivre dans un monde capitaliste. Eden trouva cela plutôt triste. Mais, en réalité, il était content de ne pas être une cible.
Il sonna à la porte à sept heures trois, petit déjeuner à la main et sourire mangeant l’intégralité de son visage.
« Bonjour Cat. » Il salua, agitant son paquet. « Je viens acheter ta compagnie avec de quoi manger. »
Il agirait comme s’il n’était pas fondamentalement et irrévocablement bizarre.

© charney