≡ things we lost in the fire (w/ fantine)

Things we lost to the flames
Things we'll never see again
All that we've amassed
Sits before us, shattered into ash
© lyrics by bastille.

Les hôpitaux... Cette hantise. Je marchais pourtant dans les couloirs, les mains dans les poches, les yeux tentant de fuir les regards des patients. La mort ne m'effrayait pas. Avec mon métier, je voyais sans cesse des personnes décédées. J'étais obligé de faire avec et rien de ce que je voyais ne me perturbait outre mesure. Voir la mort en face, ce n'était pas si dérangeant. Ce qui l'était plus, c'était voir la mort au travers des yeux d'une personne vivante. C'est pour ça que j'évitais au maximum les hôpitaux. Pourtant, mes pas me conduisaient dans une petite salle près du bureau du Dr. Johanburg. Psychologue clinicienne de renom, elle avait été ma thérapeute pendant deux ans lorsque ma sœur avait été kidnappée. C'était une femme droite et froide. Plutôt imposante. Elle avait toujours eu mon plus grand respect. C'était son nom qui m'avait convaincu de faire partie de ce groupe de parole. Lorsqu'elle m'avait vu rentrer dans la salle pour la première fois, elle avait simplement hoché la tête, un sourire au coin des lèvres. Si je n'étais plus son patient depuis longtemps, elle avait toujours accepté de boire un café avec moi lorsque l'occasion se présentait. Elle détestait mon évolution, je le voyais dans ses yeux, mais elle se gardait de me le dire en face.

Lors des premières séances du groupe de parole, j'étais resté silencieux. Les autres avaient parlé, longtemps, chacun racontant sa terrible histoire. Des parents qui recherchaient leur enfant, des victimes d'enlèvement, ou comme moi, des dommages collatéraux. Tous des victimes, même si je n'aimais pas me comporter comme tel. Chacun y allait de sa larmichette et plus le temps passait, moins je me sentais à ma place. Pourtant, tous les quinze jours, je venais à la séance suivante. Pas pour parler. Pas non plus pour compatir avec ces inconnus. En fait, je ne savais clairement pas pourquoi je continuais à venir. Aujourd'hui, se trouvait en face de moi la brunette pas plus bavarde que je ne l'étais. Les jambes croisées, elle écoutait les personnes présentes et plissait parfois les yeux ou mimait une moue compatissante. Un sourcil levé, je l'observais du coin de l’œil, tentant de percevoir qui elle était. Une maman ayant vu sa fille se faire enlever devant ses yeux ? Je n'en savais rien et dans le fond, je m'en moquais. Ce qui m'intriguait plus c'était de savoir pourquoi, comme moi, elle se taisait. « Loup, souhaitez-vous parler ? » Le Dr. Johanburg me sortit de ma rêverie et je lui lançai un regard neutre. S'adressait-elle vraiment à moi ? En constatant tous les regards fixés sur moi, j'eus la réponse. « Vous connaissez déjà mon histoire. » Elle avait été étalée dans les journaux. Toutes les personnes présentes avaient du entendre parler de moi, Loup Lannister, le gamin qui avait laissé sa petite soeur se faire enlever. « Ma soeur s'est faite enlever il y a dix-huit ans et je n'ai pas pu la sauver. » C'était la première fois que je mettais des mots si simples là-dessus et mon visage laissa exprimer ma surprise. « Je ne cherche pas votre pitié. Et en réalité, je me fiche un peu de vos histoires. » De nombreuses personnes froncèrent les sourcils et ça me fit sourire. Le Dr. Johanburg soupira. « J'ai juste une question qui me trotte en tête, en fait. Quand est-ce qu'on peut arrêter d'attendre ? Je n'en peux plus d'attendre. Je préférerais savoir qu'elle est morte. » A nouveau, quelques visages se fermèrent et une femme d'une quarantaine d'années porta sa main à la bouche. « Désolée pour les âmes sensibles. » lançai-je, un sourire forcé sur les lèvres.