La foule (Holden & Jim)

La foule.

Les visages fermés, les visages rances qui passent. Qui s’essaiment en milliers de masques dans la foules. Les gens mettent du vernis sur la crasse,
c'est dans leurs gènes,
c'est dans leurs veines.
Les gens mettent sur eux des couches de peintures, des sapes de président.
Comme lui là-bas, avec ses pompes italiennes qui brillent plus que le soleil, comme pour prouver à dieu qu'il est pas qu'un merdeux, qui baise les putes des bas quartiers dès que la nuit est tombée.
Les gens sont faussement heureux. les gens sont faussement amoureux, vertueux, généreux. Regarde le là-bas, a foutre ses billets dans l'étui déglingué d'un violoniste qu'il n'a même pas écouté. Regarde la elle, main dans la main avec son mari en costume cravate, qui la trompe surement avec sa secrétaire. Et eux ses ratés, qui fument des pétards le long du quais, en espérant p'têtre qu'ils tomberont dans les eaux. Tout ça c'est du chiqué, une armure de pacotille, une protection inutile pour ceux qui savent regarder.
Jim fend la foule. Où va t'elle? Oui madame, elle va voir le paumé qui dessine comme un forcené tout ce qui a encore un peu d'intérêt dans cette ville. Oui monsieur, c'est à côté de lui et de sa tribu de clébards sales qu'elle va s'installer.
Jim pose ses fesses à côté d'Holden, jette un oeil sur sa main qui trace encore, qui danse encore, comme une ballerine sur le papier. "tu dessines qui aujourd'hui?"
C'est comme une routine. Le soir après le travail, elle le cherche, c'est l'heure de pointe, l'heure où les modèles sont par milliers et il faut dénicher celui ou celle qui a quelque chose à raconter. Elle s'installe à côté, elle griffonne des mots comme de la poussière qui s'accumule sur le papier, il dessine, les gens, elle parfois. Elle regarde jamais les dessins qu'il fait d'elle, mais elle sait qu'il la dessine, parfois, souvent, elle sait plus vraiment. ça dure comme ça et elle retourne crécher chez Wes. Où des fois elle reste plus tard, pour écouter encore un peu, le crissement de sa mine sur le papier granulé. Elle veut aspirer chaque grincement de la mine, chaque glissement du crayon, chaque trait elle veut l'avaler, comme un son en plus dans sa tête. Un de ces sons qui ne servent a rien. Qu'elle aime pour ça.

FICHE ET CODES PAR BROADSWORD.

La foule.

Dessine moi.
Dessine moi des vies délavées.
Dessine moi tes rêves piétinés.
Donne moi les images qui défilent dans ta tête,
prends les toutes, vite, vite, j'veux les voir,
j'veux voir le monde a travers tes prunelles,
j'veux voir comment c'est derrière tes paupières.
Jim elle adore ça. Le regarder voler les gens d'leurs vies laminées, quêter les sourires, racketter les lueurs au fond des iris, celles qui s'perdent, celles trahissent. Holden est fascinant. Fascinant de talent, de facilité quand ses doigts prennent la tige de bois, le marqueur noir, quand ses mains frôlent du papier et qu'ça crisse sous ses doigts. Voir l'encre couler comme du sang sur le papier, et puis c'est maitrisé, calculé. Tellement qu'ç'en est pas croyable d'le voir assis sur l'goudron au lieu d'fouler la moquette des musées. Tellement que ç'en est révoltant d'voir des ombres en costard sans rien dedans que de l'argent dans l'coeur et de la vanité dans le cerveau. De voir ses imbéciles ignorer l'génie agenouillé, entouré de ses clébards. Et de Jim, qui s'lasse jamais. Un clébard de plus on dira.

Salutation comme elle les aime. Et son visage qui rayonne surement. Holden c'est pas celui qu'elle va voir pour pleurer, pour parler de ses malheurs, de ses crevasses, pour parler de cette catin de vie ou cracher sur le monde. Non, non. Holden c'est pour s'entendre appeler Princesse quand elle s'asseoit par terre au milieu de chiens sales. C'est pour manger des yeux, avec avidité, chaque coup d'crayon comme si elle était seule au monde à comprendre le génie, l'amour dans ses doigts, la tendresse, la violence dans un coup de crayon. Un pied qui s'écrase sur une feuille étalée. Un gosse de riche qui fait pas attention comme les trois quart de c'te putain de classe sociale. Il s'éloigne sans un regard, comme s'il n'avait pas remarqué. "Enfoiré!". Elle lui dirait bien de s'excuser à ce crétin, mais il est déjà trop loin. Avec ses pompes italiennes qui suent la connerie. Elle se tends en avant, attrape la feuille, soupire devant la marque de chaussure qui s'étend dessus, une oeuvre ridicule que ce mec a créée, un truc même pas affichable dans les toilettes, même pas dans une tombe. S'met à rire, parce que ce mec était con. Et les cons ça la fait rire parce qu'elle sera jamais conne. Qu'Holden il sera jamais con. "y'en a qui s'y essayent mais tout l'monde n'a pas autant d'talent que toi je crois..". baiser sur la joue, bonjour d'artiste, bonjour de génie. Elle apprécie le contact, sa simplicité remarquable, sa tendresse évidente. "tu devrais t'dessiner alors, t'es plus beaux que tous ceux là". Elle lève le menton vers la foule de gens qui traverse le passage piéton, qui court sur les trottoirs comme si la mort était derrière, ou peut être un fantome, un monstre, quelque chose. Ces gens qui se pressent les uns contre les autres, peut être parce que c'est l'seul vrai contact, simple, authentique, qu'ils ont de la journée, pas les poignées de mains professionnelles et les baises avec des putes de chez nous. Elle cesse de regarder son dessin comme si elle allait le voler, remonte vers ses yeux, sourit un peu. "Fais pas comme si d'un coup tu m'demandais l'autorisation pour ça.." Il la dessine elle le sait. Juste qu'elle regarde jamais ces dessins là, et qu'il lui dit jamais quand il la dessine elle, qu'il lui demande pas l'autorisation pour lui voler son âme. Mais peut être qu'il voudrait. Qu'elle lui donne l'autorisation, qu'elle lui offre vraiment, sans qu'il est a voler quoi que ce soit, elle se donne. Peut être qu'il voudrait, mais elle sait pas encore. "Quant au vinyle, j'dirais pas non, mais c'pas assez, et c'est mille fois trop. Te r'garder dessiner c'est déjà cool, ça m'paye déjà bien de tout c'que tu m'as volé sans m'demander". Holden il a volé un battement de son coeur le jour où elle a entendu son appel dans la rue. Celui qui disait, hey jolie, pose pour moi. Et elle a refusé, elle a juste regardé, écouté, c'était l'bruit de sa mine sur le papier qui l'obsédait. Alors elle est partie et elle est revenue. Elle est restée des heures ensuite à l'regarder tailler dans la papier ses corps qui luttent, ses âmes qui survivent, qui s'rendent pas compte qu'ils sont beaux. Il lui a volé sans doutes, des tas d'expressions, des tas de lumières dans ses yeux, des tas de souffles dans ses cheveux. Il a du lui voler beaucoup d'choses sans demander, et elle a aucune idée de l'ampleur du vol.

FICHE ET CODES PAR BROADSWORD.